On n’abandonne pas un professeur….

Serviteurs de leur communauté dans la dignité, l’honneur et le sens du devoir accompli en toute humilité, les professeurs haïtiens n’ont que leur savoir et le sens du bien commun comme principale richesse. 

Dans le sort imposé,  par les puissances actuelles,  au professeur Pierre Buteau, sans passer sous silence les autres victimes du règne de l’impunité, on ne peut rester insensible ou silencieux.

Difficile pour un professeur,  depuis toujours, de disposer véritablement de garde du corps pour se protéger. De qui ou de quoi ? Envers qui et pourquoi ? Les professeurs sont généralement des personnages transversaux, habillés par une simplicité hors norme, dont le travail les rapproche inévitablement de toutes les couches de la société. Ce qui ne fait que renforcer malheureusement leur vulnérabilité à cause de leur sens d’humanité, et sans pour autant bénéficier en retour de la société de la moindre humilité.

Dommage pour celles et ceux qui choisissent de devenir professeurs, enseignants, éducateurs ou formateurs ! Dommage surtout pour le professeur Pierre Buteau et sa famille.  Dommage parallèlement pour ses amis et toute la communauté des travailleurs de l’esprit, des gardiens de la mémoire, des passeurs de savoirs ou des éducateurs qui choisissent de continuer à servir leur pays, tout en ne faisant qu’allonger la liste des victimes de ce nouvel ordre haïtien, du terrorisme institutionnalisé au pays le plus mal-aimé.

Depuis l’annonce de cette révoltante nouvelle de trop, nous cherchons, la nuit,  dans le ciel, une étoile pour nous guider sur le chemin qui ouvrira les portes de la prison qui entoure le professeur Buteau. Nous sommes contraints d’implorer pour lui et tous les autres fautifs inconscients, une amnistie, un appel à la conscience, une chaine de solidarité pour qu’ils ne se sentent pas totalement abandonnés, entre le silence, la distance, la souffrance et l’indifférence. 

Dans les prochaines pages d’histoire d’Haïti, il faudra compter sur la mémoire et les savoirs des  historiens d’ici et d’ailleurs,  en particulier des Haïtiens, qui sont les premiers témoins privilégiés. C’est surtout le travail des membres de la Société haïtienne d’Histoire et de Géographie, dont son président Pierre Buteau, qui portent tout le fardeau des transformations sociales, du délabrement des espaces publics, de la déshumanisation et la décapitalisation des familles haïtiennes. 

Accordez-lui la chance de rentrer chez lui et retrouver ses proches. Il a encore des choses à écrire, des conférences à présenter pour tenter de rappeler à tous que nos ancêtres (ceux de ses ravisseurs aussi) ont connu les mêmes plantations d’esclaves et les cales des Négriers.

Les ancêtres de Buteau et de ses ravisseurs ont fait ensemble la révolution qui nous a conduits à 1804. 219 ans. Dans le désespoir d’aujourd’hui, il est essentiel de rappeler, aux victimes et à leurs bourreaux, que nous sommes tous des frères et sœurs de sang. 

Il faudra retenir que le professeur Buteau est une chance pour le pays, une ressource rare.  Il ne faut surtout pas abandonner cet intellectuel réservé, responsable et respectueux, qui a simplement fait le choix de rester dans son pays pour pouvoir restituer à sa communauté, ce qu’il avait reçu en partage et en héritage.

Le savoir et la mémoire sont les principaux actifs du professeur Buteau, qui a toujours été un miroir pour nous permettre de voir grand et de mieux comprendre qu’Haïti reste, malgré toutes ces dérives, divisions et diversions, une grande nation !

 

Dominique Domerçant  

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