Sève morte

Devant les bureaux de l’Immigration  et de la Direction générale des impôts, depuis l’annonce du Programme dit Biden, c’est un afflux comme on n’en a jamais vu. La foule de demandeurs de passeports est tellement énorme que la circulation est pratiquement impossible sur ce segment de l’avenue John Brown. On se demande comment les autorités vont gérer ce problème. Déjà en temps normal, la structure mise en place pour recevoir les citoyens désireux d’avoir un passeport n’était pas du tout adaptée. Frustration, violence, népotisme, tout explose dans cet espace qui devient, pour une grande partie de la population, le passage obligé pour quitter ce qu’elle considère comme un enfer, Haïti, et avoir une chance d’atteindre « le paradis » de l’Amérique du Nord.

On a déjà vu comment le pays s’est vidé d’une partie de sa jeunesse lors des aventures brésiliennes et chiliennes. Certains ont suivi avec amertume, colère, mais aussi impuissance, la randonnée hallucinante de nos concitoyens migrants traversant le continent pour tenter d’atteindre la frontière mexico-américaine. La décision de Joe Biden de concocter ce programme a beaucoup à voir avec cette soudaine pression de demandeurs d’asile à ses portes et aussi avec la difficulté de gérer cette situation sans recourir à des moyens qui seront forcément dénoncés.

Si on a beaucoup parlé de la situation de ces migrants, de leurs motivations plus que compréhensibles, on ne s’est pas du tout attardé sur l’indifférence, pour ne pas dire le je m’enfoutisme des prétendues autorités de notre pays. Dans un précédent éditorial, nous avons fustigé justement leur refus de voir la réalité, mais est-ce vraiment un refus ? Ce refus a plus à voir avec le mépris que nos dirigeants à tous les niveaux de notre État qui ont toujours eu pour notre population et aussi surtout avec cette conception dévoyée du pouvoir qui veut que le seul objectif soit la jouissance de privilèges pour soi et son clan. Ce système se renouvelle grâce à la frustration d’une grande partie de ceux qui le subissent et qui sont formés pour croire qu’il est plus facile de se battre pour devenir un opérateur de ce système que de le changer.

Le pays se vide de sa sève dans l’indifférence non seulement des pouvoirs publics, mais de tous ces politiciens constamment, en lutte pour la conquête d’un État moribond, n’ont jamais fait preuve d’aucune préoccupation pour cette situation plus qu’alarmante. Il est vrai que pour arrêter cette fuite, surtout des jeunes, il faudrait se résoudre à une autre gouvernance, prendre des mesures dans tous les domaines pour redresser la barre. Le problème, c’est que beaucoup de secteurs maffieux profitent de cette situation et les tuteurs internationaux pour une raison qu’on aimerait bien qu’ils exposent, semblent confortables avec ce chaos qui réduit notre république à une peau de chagrin.

Mais cette stratégie machiavélique qui vise à pousser ce peuple, notre jeunesse, dans ses derniers retranchements, pour contraindre nos citoyens à la fuite et pourquoi pas, un jour, à un suicide collectif, ne marchera pas. Notre peuple et surtout notre jeunesse disposent de ressources insoupçonnées. Ils seront un jour effarés, ces démoniaques manœuvriers, quand ils se rendront compte que ceux qui sont restés et qui ne sont pas partis sont le fer de lance de cette révolution nécessaire pour remettre ce pays sur pied. Et même ceux qu’ils ont poussés à la fuite peuvent constituer les renforts, venant de la diaspora, pour asséner le coup de grâce aux ennemis de notre nation.

 

Gary Victor

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