Le chancre de la corruption

Il fut un temps où le grand public remplissait les gradins du stade Sylvio Cator à Port-au-Prince seulement pour suivre pendant parfois des heures l’entrainement de la sélection nationale de football.

Les fans des équipes engagées dans la compétition nationale de football aimaient assister aussi aux durs entrainements des joueurs de leur sélection favorite.

Cela avait la vertu de montrer que pour devenir une vedette, un joueur de haute compétition, il fallait travailler dur et très dur. On ne badinait pas avec l’effort et la discipline.

On savait aussi que pour devenir un virtuose, en musique par exemple, il fallait passer des heures à pratiquer.

Le jeune diplômé qui était reçu dans une administration publique ou dans une entreprise privée, même s’il avait une bonne recommandation, savait qu’il devait prouver ses compétences et monter les échelons un à un.

Aujourd’hui, par une aberration qui s’est accélérée depuis les années 2000, le travail semble avoir perdu tout le sens qu’on lui accordait. On ne grimpe plus les marches une à une. C’est à la fois le saut en longueur et le saut en hauteur qui se sont vulgarisés à un point tel que le pays, lui, saute dans l’abime. Les politiciens d’un secteur politique en sont en partie responsables. À la fin de la 46e législature, ils ont déployé tous les efforts possibles pour faire entrer au Parlement des incultes, pensant ainsi régler la question épineuse de la toute-puissance de cette institution, point certainement litigieux de la Constitution de 1987. On a alors ouvert la voie à la réussite des médiocres, des ignares, des dealers en tout genre, venus ripailler sur le dos de la nation comme on ne l’a jamais vu auparavant. Une certaine élite économique et l’étranger ont vu aussi dans ce désordre, pour ne pas dire ce chaos, une occasion en or pour étrangler ce peuple souffrant.

Le drame induit par cette situation est que notre jeunesse dans sa grande majorité n’a que l’exemple de ces réussites frauduleuses, pouvant faire croire que les études, le travail, la compétence n’avaient aucune valeur aujourd’hui. Les médias enfoncent le clou avec aussi la réussite économique étrange de certains professionnels de ce secteur et le fait aussi que la publicité du village global crée des besoins d’être et de paraître auxquels il est difficile de résister. Le jeune qui arrive sur le marché du travail souvent avec une formation approximative – notre système éducatif désuet en est en partie responsable- veut vite, immédiatement, tout posséder et souvent ses barrières morales sont fragiles, surtout que ceux qui auraient dû être des modèles de vertus se révèlent au grand jour être des bandits de grand chemin, despotes, violeurs, contrebandiers, etc.  Les couples font des compromis contre nature. Les mères et les pères de famille, laminés par la précarité, souvent jettent l’éponge. Arriver à la maison avec un téléphone dernier modèle alors que rien n’explique sa provenance peut ne susciter aucune demande d’explication. La corruption s’étale ainsi comme un chancre dans toutes les allées de la société, la corruption sur la scène politique, le gangstérisme institutionnalisé n’étant que la partie visible de l’iceberg.

 

Gary Victor

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES