Sommes-nous des barbares ?

Jamais, depuis 2004, un début d’année n’a été aussi délicat. Pourtant, les évènements malheureux de 2021 ont hanté nos nuits et nos jours. Tout indique que cette situation n’est pas prête à faiblir.

En Haïti, nous excellons, faute de choix, dans l’art de l’énumération du mal.  En réalité, nous sommes en passe d’accepter notre dépendance vis-à-vis de ceux, apprentis sorciers ou esprits manipulateurs, qui prennent plaisir à occuper, par tous les moyens, les ruelles du pouvoir. Il est, en effet, grisant d’avoir à portée de main les leviers qui rendent infinies les possibilités de nourrir son ego, de faire profiter les membres de son clan et d’oublier ou de mettre en évidence ce que l’on désire. Nous sommes en passe de légitimer une version monarchique de la gestion du pouvoir qui n’a pas survécu, dans la majorité des pays concernés, au vingtième siècle.

Il y a fort à parier que la perdition programmée du pays est un projet barbare savamment entretenu. À n’en point douter, les temps présents en Haïti proposent une réalité des plus complexes. Des individus (y compris des responsables politiques) et des groupes sociaux affichent des comportements qui renvoient aux périodes les plus décriées de l’histoire de l’humanité. Mentir sans conséquence, tuer sans être inquiété et ravir la liberté de quelqu’un pour gagner de l’argent sont des phénomènes qui légitiment cette barbarie dont on parle.

 Lars Clausen, un réputé professeur de sociologie et directeur du groupe de recherches sur les catastrophes sociales de la très prestigieuse et ancienne université de Kiel, fondée depuis le 17e siècle dans le nord de l’Allemagne, a déduit que : « la barbarie est une forme particulière de liquidation des valeurs de toute la société. Elle surgit après l’effondrement de ces valeurs par suite d’une transformation sociale radicale et rapide et se nourrit de la prolifération d’actions sanctionnées comme négatives parce que dirigées contre le corps et la vie » (Clausen, 1996).

Aujourd’hui en Haïti, nous en sommes là, dans la marge du monde.  Pour 2022, toutes les inquiétudes sont permises du fait des grandes échéances politiques qui alourdiront le panier des misères de la population.  

C’est cette même population qui couve en son sein des éléments, nombreux, qui iront voter pour un billet de mille gourdes et qui se mettent déjà en ligne pour recevoir des aides des nouveaux princes de la barbarie.

 Ainsi va le pays. Y a ceux qui gaspillent les ressources de l’État, d’autres qui kidnappent contre rançon. Mais, tous ont la prétention de faire du social à l’heure de la digestion.

De toute évidence, nous nageons en pleine barbarie. Les plus forts et les mieux armés repoussent les limites du mal

Jean-Euphèle Milcé

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