Le grand vide

Jamais, dans l’Histoire, notre pays n’a connu un tel vide politique. Certes, depuis des années, on assistait à une dégénérescence de nos institutions, tandis que notre matériel humain se désagrégeait.  L’état lamentable de notre système éducatif, en dépit de réformes cosmétiques sans liens réels avec notre réalité, devait donner le signal d’alarme. Mais nous en étions au stade où nos hommes et femmes en position de pouvoir n’avaient plus les moyens intellectuels de jauger la dangerosité d’une situation et de prendre les mesures nécessaires pour la redresser. Au contraire, nous sommes arrivés au point culminant du cercle vicieux – si on peut s’exprimer ainsi – où la boue ayant façonné des âmes, ces âmes ont besoin de boue pour évoluer.

Nous avons ainsi fait le grand saut dans le vide et si notre population se brise l’échine jusqu’à ne plus pouvoir se relever, nous avons une armée de politiciens qui continuent à jouer la mascarade comme dans un bal masqué où n’auraient été conviés que des spectres, essayant de se convaincre d’une importance qu’ils n’ont plus. Un maître du jeu espiègle a fait régurgiter leurs discours à ceux qui gueulaient haut et fort pour les transformer en de pitoyables marionnettes incapables d’amuser la galerie ou de tromper les esprits, même l’espace d’un cillement.

Du vide que peut-il en sortir si les esprits sont déjà viciés par le chaos qu’ils ont eux-mêmes créé ? Il existe un vide sain dans lequel Dieu a pu faire germer son Verbe. Mais nous sommes dans un vide assiégé par le banditisme, un vide concocté par des officines étrangères n’ayant peut-être que ce moyen pour arriver à atteindre leur but criminel, la destruction pure et simple de notre nation. Ce vide va nous étrangler petit à petit, l’inflation étant sa grande arme, car déjà les ventres peinent à se nourrir à cause de l’augmentation démentielle des produits de première nécessité.

Dans le temps, on concoctait avec minutie des combats de petits chefs qui se prenaient pour des foudres de guerre, tous aux ordres d’autres petits chefs habitant à un étage supérieur, eux-mêmes aux ordres des vrais chefs qui depuis des lustres tiennent la bourse, le nerf de la guerre. Ces combats de petits chefs ont culminé avec le coup d’État de 1991, les événements de 2004, jusqu’à s’éteindre avec l’assassinat de Jovenel Moïise et l’accession au pouvoir d’Ariel Henri dans les conditions absurdes que tout le monde connaît. Depuis lors, s’est créé un trou noir qui a absorbé le dernier vestige de fiction qu’étaient notre classe politique et les fumeuses organisations de notre société civile. 

Les lois de la physique ont-elles un effet dans le vide ? Ce qui est certain, dans ce vide qui prend forme à loisir, les comédies les plus macabres vont se dérouler sans qu’on se rende compte des  anomalies. On se gaussait quand un chanteur avait imposé la conception du bandit légal. Les bandits produisent maintenant des formes que les citoyens doivent remplir pour pouvoir circuler sur une route nationale. Comme le prédisait l’historien Michel Soukar, on risque de voir bien pire. 

Gary Victor

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES