Statu quo

Le ballet des sommets sur l’état de notre pays est en mode pause, bien que mercredi dernier l’OEA ait inauguré son groupe de travail sur Haïti qui réunit quatorze pays des Amériques. Dubitatifs, les Haïtiens se demandent quels pourraient bien en être les résultats. Certains continuent à « attendre Godot », d’autres parlent d’un grand bluff qui ne sert qu’à donner du grain à moudre à des fonctionnaires internationaux pleins de bonne conscience et de gras salaires.

La solution haïtienne à la crise tarde à poindre. Les obstacles se multiplient en raison de l’âpreté des oppositions sur certains détails qui, souvent, deviennent vite des occasions de conflits ténébreux, ardus et quasiment insurmontables.

La gouvernance bégaie, elle, est en panne d’initiative novatrice. Le Haut conseil de la transition sort enfin toutefois de son turbulent silence en s’associant à l’Exécutif pour nommer les juges de la Cour de cassation.

Ici, on adore laisser du temps au temps. Et les solutions en demi-teinte prennent difficilement dans un espace politique « rocailleux » et mal aisé. La méfiance constitue pour des raisons historiques complexes la chose du monde la mieux partagée chez nous.

Le voile sombre de l’insécurité obscurcit tous les jours l’horizon de sortie de crise. La peur a envahi toutes les strates de la société et comme dit le poète « foumi dòmi leve nan rèv nou ».

Les Haïtiens ont dansé nerveusement au carnaval comme pour exorciser « une saison blanche et sèche » à rallonge. Le mercredi des Cendres n’a jamais porté aussi bien son nom, tant la société semble tétanisée par la menace des assassins qui rôdent un peu partout et peuvent frapper à tout moment.

Mais la vie est plus forte que la mort. Des organisations et des comités de quartier s’éveillent, se mobilisent, des structures régionales préparent d’importantes assises, des femmes et des hommes continuent à faire des projets face à tout ce champ de ruines.

Les naufragés de la crise s’accrochent à la rambarde du « navire » qui n’a pas encore entièrement coulé. La fatalité heureusement n’est pas une option.

Entre-temps, les Haïtiens scrutent aussi l’horizon au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et à bénéficier du soutien de ceux qui comprennent l’ampleur de leur tragédie dans un souci de réparation d’un passé honni.


Roody Edmé

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