En mission pour la moisson

Difficile de retenir un jeune qui a choisi de quitter Haïti. Même si la situation dans le pays n’est pas la pire actuellement dans le monde, le devoir de survie oblige à un grand nombre de jeunes et des familles  à fuir leurs quartiers, de partir en laissant le pays pour ne plus souffrir, ou mourir. Et dire que des opportunités de voyages humanitaires s’offrent aux Haïtiens ? 

 

Difficile d’aider financièrement autant de jeunes garçons et des filles au chômage, qui ne souhaitent pas tomber dans des actes illégaux, malgré tant d’efforts et des initiatives entreprises pour disposer d’une autonomie financière. Au-delà de la terreur réelle, du terrorisme et du  traumatisme subis par un grand nombre de personnes au quotidien, jamais la peur de l’autre n’a atteint un tel niveau dans les relations humaines en Haïti. À l’autre bout, on assiste à la fermeture, la délocalisation et la destruction de certaines entreprises, et sans oublier la décapitalisation d’un grand nombre de familles à cause des proches tués, disparus, enlevés et libérés contre rançon. Autant de raisons qui affaiblissent la solidarité qui se manifestait entre les Haïtiens.

 

Difficile de promettre que les choses vont changer rapidement en Haïti, quand nous constatons cette forme d’hémorragie accélérée des ressources formées et expérimentées qui délaissent le pays. On n’aura pas d’autres choix que de rappeler aux jeunes qui veulent partir, de prendre le temps de définir une mission, un agenda, un engagement autour des besoins élémentaires et de survie à satisfaire, et du rêve (personnel, professionnel, familial et collectif) à construire en se rappelant toujours de ses origines, et des proches et parents qui se sont investis pour faciliter cette transition.  

Difficile de ne pas rappeler aux nouveaux migrants haïtiens qui profiteront de ces visas humanitaires, suite à une démarche assez rapide et sans une véritable préparation solide à l’avance, que les sociétés capitalistes ne font pas de cadeaux. Il faudra adapter sa vision des choses aux principes établis dans le nouveau système social, tout en évitant de s’accrocher aux excuses, aux  coups bas,  à la superstition et la malchance qui étaient la norme. Contrairement en Haïti, il faudra s’armer de courage, socialement, émotionnellement, institutionnellement juridiquement, économiquement pour affronter les nouveaux défis. La culture de la tolérance et du respect de l’autre, des biens, de la paix publique, des institutions, des communautés et surtout des minorités, en respectant le drapeau arc-en-ciel des (LGBT), sont à prendre en compte. 

Difficile de convaincre certains de nos jeunes, même les plus avisés, que d’autres pays dits très riches et développés avaient connus pire qu’Haïti. Forcément, ces derniers pourraient tristement et ironiquement répliquer que ces pays ne sont pas habités par la population haïtienne, encore moins dirigés par les membres des élites haïtiennes. Il est venu le temps de nous demander comment ressusciter la fierté de l’être haïtien ?  

Difficile de laisser passer cette occasion, sans inviter ces jeunes de bien attacher leur ceinture de sécurité dans l’avion, dont plusieurs d’entre eux utiliseront pour la première fois ce moyen de transport. Comme les mères haïtiennes qui pleurent la nouvelle de la mort de leurs proches ou de leurs  enfants, tout en portant à la ceinture des cordes, des mouchoirs ou des morceaux de tissus pour contenir les douleurs, les jeunes qui vont laisser le pays, devront également tenir ferme la ceinture par rapport souffrances et sacrifices qui les attendant jour et nuit, dans l’indifférence de la solitude dans la foule. Il vous arrivera des fois de penser à revenir en Haïti, lorsque certaines déceptions, de la souffrance et des réactions racistes viendront vous rappeler que vous n’êtes pas chez vous, que vous n’êtes qu’un Noir et rien du tout, qu’il faut retourner dans votre trou !

 

Difficile sera l’expérience pour cette nouvelle génération d’Haïtiens qui voudront passer leur temps à discuter des matchs de football, ou des feuilletons, sans prendre le temps de se former et de travailler, pour participer dans le règlement des factures qui ne pourront pas attendre. À l’école de la vie, et pour pouvoir justifier sa survie, il faudra définir sa véritable mission par rapport à l’agenda de la société d’accueil. La seule manière de profiter des opportunités du système et de tirer sa part dans la prochaine moisson, au-delà des illusions, des discriminations, des restrictions, des sanctions qui caractérisent les grandes nations.

   

Dominique Domerçant

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