Fatale violence

La Forêt des Pins a connu cette année plus d’une demi-douzaine d’incendies. Plus de cent cinquante hectares ont brûlé en huit jours. Et selon des informations de nos confrères d’Haïti Libre, ces embrasements seraient d’origine criminelle.

 

Mais ce n’est pas seulement les arbres qui se consument : la capitale aussi est envahie, elle aussi, par les « flammes » inextinguibles de la criminalité. Chaque semaine est pire que la précédente. Les habitants des hauteurs de Pétionville et de Kenskoff du Bel-Air ne savent plus à quel saint se vouer. En ville, une guerre urbaine d’une rare violence fait rage ; en banlieue une guérilla des mornes prend la région métropolitaine en tenaille.

 

Les riverains de différents quartiers se voient obligés de prendre en main leur destin, même s’ils sont encadrés de quelques « bons » policiers. Tout au fond de cette tragédie apparaît le visage « terrible », mais charismatique d’un commissaire haïtien qui jure les grands dieux que le grand Sud ne sera pas contaminé par toute cette violence criminelle. On l’appelle déjà le Bukele haïtien en référence au jeune président salvadorien qui, grâce à une politique sécuritaire digne de ce nom, est parvenu à une réduction des crimes et délits si nombreux dans ce pays d’Amérique centrale.

 

Fait nouveau : certains policiers ayant réalisé des faits d’armes isolés, mais remarquables sont célébrés sur les réseaux sociaux. C’est plutôt sain. Le peuple haïtien a soif de leaders qui prennent délibérément le parti de défendre la vie contre les violences insensées qui lui pourrissent la vie. Jusqu’ici, « l’exploit » des gangs a été trop mis en évidence. Voyeurisme de mauvais aloi ? Ou fascination du risque ? En tout cas, sans qu’on le veuille, cette pratique saugrenue peut avoir pour effet de susciter des vocations chez nos jeunes sans modèles.

 

Le cri d’alarme du docteur Jean William Pape, le message de paix des évêques de l’Église catholique en Haïti et le témoignage vibrant du recteur de l’Université d’État, Fritz Deshommes, rappelant l’histoire de la solidarité haïtienne vis-à-vis d’autres peuples, révèlent les sentiments profonds du peuple. Ces prises de position très fortes montrent que la société est en train de relever la tête et essaie de juguler la peur ; car c’est là-dessus que jouent les truands.

 

Un peuple aux abois qui a besoin d’aide et non de miettes humanitaires. Pour l’instant nos amis de l’international nous rappellent, comme l’a fait sans langue de bois un général canadien, notre « insignifiance » stratégique. Un inintérêt dont les causes sont analysées par un confrère qui tient un blog « insolent » sur un média en ligne.

 

« Hélas, Haïti n’est pas l’Ukraine », tel est le titre qu’a donné Élodie Gerdy, une de nos consœurs de l’hebdomadaire Haïti en Marche à son éditorial, façon de dire qu’en fait d’aide, c’est ailleurs que s’empresse la solidarité internationale. Ainsi préfère-t-on voler à la rescousse des « frères » outre-Atlantique, qui reçoivent pourtant des secours de partout, au lieu d’assister les voisins dans la détresse. L’effet boomerang de cette géopolitique à courte vue est inéluctable. Dépités, frustrés, menacés, les Haïtiens n’auront d’autre choix que de tenter de se réfugier dans d’autres pays mieux lotis, augmentant la pression migratoire, illégale comme légale. Et les murs que les gouvernements continuent d’ériger de par le monde ne décourageront jamais les désespérés de fuir le danger et l’oppression.

 

Roody Edmé

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