Dans la salle d’attente

Dans «L’attente, ou l’art de perdre patience», ouvrage que vient de publier Sandrine Alexandre, l’auteure nous livre de nouvelles réflexions et des observations objectives sur la mesure du temps. Ce temps qui n’appartient presque plus aux Haïtiens dans le contexte actuel.  

Des questionnements sensés qui parlent bien de notre vécu quotidien : Quoi de plus banal qu’attendre ? Ou s’efforcer de répondre aux attentes ? Patienter et s’adapter sont plus que jamais les coordonnées de notre monde social. Dans cette trivialité de l’attente, ce sont pourtant des relations de pouvoir qui se jouent : entre ceux qui attendent et ceux qui font attendre, entre ceux qui satisfont aux attentes et ceux qui les déçoivent, entre ceux qui se permettent d’avoir des exigences et ceux qui sont condamnés à les satisfaire.

Dans la liste des sagesses abordant l’attente, Euripide nous rappelle : «L’attente du malheur est plus dure à supporter que le malheur lui-même». Plus loin, Arthur Koestler poursuit dans «Un testament espagnol», «L’attente est toujours une torture, l’attente sans espoir, la pire de toutes».

Difficile de ne pas tenter d’associer ces formulations toutes logiques et pratiques, pratiquement intemporelles, dans la réalité du peuple haïtien, dans cette confiture d’attente qui est servie à chacun des acteurs qui participent dans cette tragicomédie géopolitique.

Des jeunes qui attendent un email, en passant par des familles qui attendent que la paix revienne pour traverser les rues, les quartiers, les villes, les départements et les régions, on ne manquera pas de mentionner l’État qui attend de l’assistance ou la livraison de ses commandes pour matérialiser certaines promesses.

 

Définitivement, il est désormais urgent d’envisager des expériences de l’attente qui se distinguent radicalement de la patience, de l’espoir, ou du succès. Refuser d’attendre ou de satisfaire aux attentes, inventer d’autres manières d’attendre, sont autant de stratégies qui permettent de subvertir le dispositif d’attente dont cet essai propose l’analyse. 

Dans tous les cas de figure, il est toujours mieux de marcher avec le temps que d’attendre le temps qui arrive, et qui pourrait ne jamais revenir. Qui ne se rappelle pas de cette citation de Pierre Corneille, qui nous disait : « Chaque moment d’attente ôte de notre prix, et fille qui vieillit tombe dans le mépris ! ».  Comment ne pas penser à ce pays que l’on compare toujours à une femme ? Tellement fier d’attendre ce sauveur, ce bienfaiteur, ce pays ami qui viendra l’enlever ! 

Dans la salle d’attente, entre l’hôpital avec le médecin qui va procéder à la lecture des résultats des examens, comme au tribunal en attendant le verdict, à l’école au temps de la remise des bulletins, nous sommes tous et toutes dans une attente perpétuelle, lorsqu’il ne s’agit pas d’attendre que la nuit tombe pour que certaines violences diminuent.

 

D’une façon ou d’une autre, le temps passe tellement vite, qu’on l’a utilisé à attendre que le jour se lève, que demain sera meilleur, ou qu’un jour il fera jour. À défaut d’agir, d’interagir, de bousculer le temps, de traverser le temps, d’affirmer une nouvelle forme d’intelligence autour du temps en Haïti, nous allons tous finir par occuper notre temps à ne rien faire qu’attendre. Qui ? Certainement pas le blanc ! Quoi ? Encore moins le temps ? Quand ? Finalement, on comprendra tous et toutes que le temps n’a de sens que dans l’action ! Agir ou périr !

 

Dominique Domerçant

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