Réinventer le vivre ensemble

Les protagonistes des accords de Montana et du PEN ont signé un protocole d’entente pour une transition de deux ans. Si nous voulons rester politiquement corrects, nous dirons que c’est de bonne guerre. Chaque fois que des groupes d’Haïtiens décident de s’entendre sur la gouvernance de ce pays, on a surtout envie de se laisser déborder par un certain optimisme. Surtout quand on sait que« négociation » ou « compromis » sont des mots galvaudés dans le lexique politique haïtien. 

 

 Il est une habitude chez nous de signer quand cela nous arrange et d’oublier nos engagements quand il faut passer aux actes.Et puis, il y a le fait indéniable que nous faisons dans notre culture politique très peu cas de ce qui est écrit. Il n’ y qu’à revoir l’histoire de nos constitutions et de nos lois pour comprendre qu’en Haïti, la gouvernance politique s’est très peu basée sur nos textes fondateurs.

 

La pratique politique doit beaucoup plus à Machiavel qu’à Montesquieu. Une construction sophistiquée de  violence et d’arbitraire qui constitue depuis le  XIXe  siècle un schème de comportements que des dictateurs avertis ou autres apprentis vont chercher à perfectionner ou à s’en inspirer. Mais arrêtons de jouer les Cassandre ! Il reste et demeure une chose positive quand des groupes d’ Haïtiens travaillent à rapprocher leurs points de vue sur la destinée de leur pays.

 

Un pas dans la bonne direction, pensent tous ceux qui souhaitent un terme aux multiples souffrances de ce pays.

 

L’équipe de Montana a montré une détermination et une certaine continuité dans la recherche d’un projet politique nouveau ; ce groupe civique-politique  a travaillé sans relâche, dans un environnement parsemé d’embuches pour arriver à un dispositif même imparfait pour une transition dite de « rupture ». Ils ont su construire de bric et de broc une coalition à partir d’une société civile et de groupes politiques tellement épars.

 

Toutefois, on constate que certaines propositions paraissent idéalistes ou « hors-sol » compte tenu de la culture politique environnante. Le collège présidentiel demeure une « belle utopie » dans un pays qui n’a pas une tradition politique semblable à la Suisse. Il ne s’agit pas de dire que les Haïtiens ne pourront pas un jour atteindre cette forme de gestion collective, mais ils ne sont pas encore prêts.

Il n’y à qu’à voir l’histoire de la gestion des mairies où le combat de petits chefs pour l’hégémonie du pouvoir dans les cartels ruine les municipalités.

 

Ceci dit, ces différents accords ont plus que le mérite d’exister, il faut maintenant travailler à les rendre opérationnels par la négociation et l’esprit de dépassement en négociant avec les protagonistes de l’Accord du 11 septembre.Un horizon qui paraît pour le moment indépassable, mais qui presse.

 

Si l’on se base sur le dernier rapport d’enquête de l’Observatoire citoyen pour l’institutionnalisation de la démocratie (OCID) : « 62,2 % des personnes interrogées sur un échantillon de 3.200 ménages estiment que l’insécurité civile est le plus grand problème auquel le pays se trouve confronté...une très large majorité n’ont aucune confiance dans les institutions du pays et les élites qu’elles soient politique, économique ou même religieuse ».

 

Ceux qui vivent la violence et la misère au quotidien croient que les élites ne se soucient guère de leur sort. Et le bilan est tellement accablant que ce sentiment est largement répandu. Donc le temps presse, la démocratie que nous voulons construire ne peut se permettre des inégalités aussi criantes. Tant que l’ascenseur social reste ainsi bloqué, la paix et la prospérité ne resteront que vœux pieux.

 

Il faut reconnaître que le préalable à ce changement de paradigme, c’est une autre manière moins médiocre d’envisager le vivre ensemble.

 

Roody Edmé

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