Mariani, chronique d’un désastre final

Il fut un temps où Mariani était un lieu de villégiature. Les familles aisées et riches s’étaient précipitées pour acheter un lopin de terre au bord de la mer. Mariani jusqu’à présent a l’une des plus belles eaux du pays. Un bleu qui n’a pas son égal. Un bleu qui a gardé sa pureté même si les dirigeants de ce pays ont chié sur ces territoires qu’ils disent perdus. Car, pendant que la mer a gardé son bleu, la population a envahi le versant sur les montagnes côtières. Une colonisation sauvage dont l’État ne s’est jamais soucié. Aucune mesure n’a jamais été prise pour protéger le versant donnant sur la côte si bien que très vite la moindre pluie a commencé à déverser des tonnes de pierres, de gravats et de boue sur l’asphalte de la Nationale #2, asphalte qui a presque disparu en de nombreux endroits.

Maintenant, la Nationale 2 à la sortie de la Route des Rails est devenue comme une sorte de montagnes russes en miniature. La route  comblée par les gravats s’élève jusqu’à parfois deux mètres et on circule sur une suite de grandes bosses. De nombreuses maisons riveraines sont presque enterrées sous les roches et sous la boue. Les embouteillages sont monstrueux, car pour prendre ces nouvelles pentes parsemées de roches, il faut de bons moteurs. Parfois un bus menace même de capoter et les passagers doivent s’empresser de descendre. Des gens prennent la route à pied, sur des sentiers qui auraient dû être des trottoirs, mais qu’on doit emprunter avec précaution, car il y a la boue et tout ce que les eaux ont apporté des mornes. Le spectacle est apocalyptique. Mais dans les transports en commun, on peut rêver d’un bain dans cette mer encore bleue. D’ailleurs, il y a toujours des jeunes, insouciants, qui profitent de l’eau. Il y a encore des marchandes qui offrent leur viande de porc faisandée et leurs bananes frites combien de fois repassées dans une huile infecte.

Pas l’ombre d’un agent de police. Tout le long de la route, ce sont des demeures délabrées, travaillées au corps par l’eau des torrents. On se demande bien comment ces rares commerces peuvent tenir encore dans ces territoires pas perdus, mais abandonnés, mieux, ignorés par cet État croupion. Il y a bien parfois des tentatives de rendre le passage moins dangereux sur ce tronçon de la Nationale 2 qui va jusqu’à Gressier. Mais  jour après jour, cela devient plus difficile.  Ce sont les conséquences d’avoir laissé des imposteurs, des comédiens à la tête de notre État. Une dernière pluie et, il ne faut pas le souhaiter, une grande intempérie comme un cyclone ou un ouragan détruira définitivement ce qui reste de cette Nationale #2. Tous les quartiers vers la mer disparaitront sous des tonnes de boue et cela commencera depuis lesdits territoires perdus du Village de Dieu. Ceux qui carburent au whisky dans les beaux quartiers, qui forniquent et ripaillent en disant que tout va bien Madame La Marquise et qui s’achètent un billet d’avion pour se rendre à Jacmel, aux Cayes et/ou  à Jérémie se fourrent le doigt dans l’œil quand ils pensent être des êtres supérieurs, en sécurité dans leurs forteresses de pacotilles. La nature, dans sa colère, peut remettre toutes les pendules à l’heure.

 

Gary Victor

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