Dompter le feu en Haïti !

Dans l’avant-propos de l’ouvrage : « Le livre du feu », de Georges Corvington et de Gaël Painson, on retient ces propos: « Le feu, les flammes! Que c’est beau! Cette force de la nature doit être toujours surveillée et contrôlée de façon rationnelle et permanente ; autrement c’est la CATASTROPHE. » En dehors des tremblements de terre et des inondations, les incendies représentent l’un des grands maux du pays à dompter.

 

Dansent et marchent en permanence les Haïtiens sur des foyers, de manière inconsciente et par ignorance. À chaque occasion, comme une programmation, pour faire passer certaines revendications, comme une forme d’expression ou de manifestation de nos sens, le feu et les flammes se confirment comme des outils de communication de masse. Un langage visible et souvent silencieux.  

De la période pré-colombienne, en passant par les différentes étapes de la colonisation européenne de Saint-Domingue, jusqu'à la révolution qui a conduit à l'indépendance d’Haïti, le feu a toujours occupé une place importance, particulière et déterminante dans l'évolution sociale et la dynamique institutionnelle. Une arme de destruction massive, un acteur politique, et un des leviers économiques les plus décisifs !   

De la capitale Port-au-Prince, en passant par le Cap-Haïtien, et sans oublier les incendies qui ont ravagé plusieurs autres villes, des quartiers ou des maisons dans les autres départements, comme Port-de-Paix, Gonaïves, Saint-Marc, Cayes, Jacmel, entre autres, le feu représente cet « héritage maléfique », qui continue d'enflammer tant d'éléments de notre patrimoine personnel, familial, institutionnel, culturel, national et mondial.

 

De la formule « Koupe tèt, boule kay », inscrite dans les mouvements de révolte de l'armée indigène,  qui ont débuté au lendemain de la grande réunion mystique et politique d'août 1791, jusqu’à la période contemporaine plus de 232 ans après, qui portent les couleurs avortées ou étouffées de « Bwa kale », le feu à travers ces flammes carnivores s'est imprimé dans une forme de justice sociale des habitants, et de légitime défense des populations civiles sans défense ni de protection.  

Deux siècles plus tard, en dehors des moments de couvre-feu, le pays tarde à dompter le feu, qui parfois se mélange avec les flammes populaires. Pire, la société n'est pas assez informée et conscientisée pour anticiper toutes les formes possibles et inimaginables de catastrophes naturelles et humaines, en particulier celles provoquées par le feu. Le système national destiné à lutter contre  les incendies dans chaque département, commune et région est à inventer.

Devant tous les dégâts possibles, imprévisibles et irréparables que le feu  pourrait provoquer dans la vie des familles et des institutions, dans l'économie nationale et en particulier dans la vie des personnes à mobilité réduite, tous les acteurs et les représentants des collectivités territoriales, sous le leadership de l’État central, devraient prendre le temps de réfléchir pendant qu'il est temps, afin de mieux investir dans la prévention de telles catastrophes.

 

Des risques présents et prévisibles, quels sont les rares secteurs qui n’ont pas été touchés par les incendies survenus en  Haïti durant les deux derniers siècles ?  Des bâtiments administratifs en passant par le palais présidentiel explosé et les locaux du ministère de l’Agriculture (Damien), plus d’une fois. Des bâtiments éducatifs, des hôpitaux, des entreprises, des temples religieux et d’autres sont partis en fumée.

Dompter le feu en Haïti, à tous les temps, devrait s’inscrire dans l’agenda quotidien des élites et des autorités, autant dans les connaissances pratiques et les comportements responsables à encourager dans chaque famille et dans tout le système éducatif national. Avec l’entreposage des récipients d’essence dans les résidences et d’autres lieux inappropriés ces derniers temps, Haïti ne fait que renforcer la culture irresponsable des risques d'incendie.   

Dans le prochain grand rendez-vous avec le feu en Haïti que l’on pourrait certainement éviter, on pensera à une meilleure organisation de l’espace dans toutes ses dimensions, à la prévention des incendies à travers toutes les activités sociales, tout en assurant une meilleure représentation sur tout le territoire national du service des sapeurs pompiers. Ici et maintenant, pendant qu'il est temps.

 

Dominique Domerçant

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