En panne de leadership éclairé et consistant, le peuple revendicatif haïtien se tourne vers des guides religieux, des prophètes qui surfent, parfois de bonne foi, sur son malheur. Le discours hasardeux du pasteur Marco a, dans son élan mystico-religieux, le ferment d'une prise de conscience.
Son « délire métaphysique » a rencontré la juste indignation de fidèles aux abois. Bibles en main et certains, armés de bâtons et de pierres, cette foule hystérique de chrétiens est partie flamberge au vent à la conquête de « territoires perdus ». Dans ce délire collectif, il y avait ça et là des déclarations empreintes d'une belle cohérence : « Nous ne voulons pas tous laisser le pays pour nous réfugier dans le programme de Joe Biden » ; « Nous n'avons qu'un seul pays, et nous sommes prêts à nous offrir en sacrifice pour sa libération » ; « Nous ne voulons pas léguer le crime organisé comme unique voie de sortie à nos enfants ».
Comme dit Jean Ferrat dans sa chanson « Nuit et brouillard », ils étaient « des centaines, des milliers tous maigres et sanglants »… « ils priaient Jésus, Jéhovah ou Vishnou »... » ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux ».
Les sacrifiés du 26 août ont suivi les imprécations mystiques et suicidaires de leur guide religieux.
Tous ceux qui critiquent avec justesse l'attitude déraisonnable de ce chef spirituel doivent comprendre qu'il ne tient son pouvoir que de la faiblesse de nos institutions, le grand vide étatique, la désertion des leaders politiques et sociaux.
Les gens sont devenus « fous ». Désespérés devant cette violence injustifiée, cette barbarie sans nom. Ils veulent vivre et ne lésinent pas sur les moyens, comme par exemple se faire dévorer par des bêtes sauvages dans les forêts d'Amérique Centrale.
Cette propension au suicide collectif et au sacrifice ultime se retrouve dans nos quartiers assiégés où les machettes d'une population abusée osent défier des kalachnikov de terroristes aux cerveaux allumés par la drogue.
Quand donc comprendra-t-on ici et ailleurs qu'il s'agit jusqu'ici de non-assistance à peuple en danger?
Roody Edmé