Où sont passées les organisations de jeunes en Haïti ?

Dans la situation chaotique que connaît le pays depuis quelque temps, en particulier la capitale, depuis l’assassinat du chef de l’État en 2021, les esprits les moins avisés peuvent facilement comprendre la faiblesse et l’absence d’un ensemble d’acteurs organisés au sein de la société.

Dans cette liste très problématique, on ne saurait ne pas prendre en compte la présence et la place des jeunes, en particulier des leaders communautaires, des  jeunes les plus actifs de chaque quartier, qui se sont regroupés souvent dans une pléiade d’associations, des organisations et des fédérations qui portent souvent en commun les objectifs et les qualificatifs «Pour le développement.... » Que deviennent-ils ? 

Dans chaque quartier, dans chaque ville, et dans les différents secteurs de base, tels l'éducation, l’encadrement des jeunes, la vie économique, l’environnement, la santé, la promotion des potentialités culturelles et économiques de la juridiction retenue, elles étaient nombreuses ces organisations qui écrivent, ou écrivaient souvent les autorités  communales, les institutions publiques et privées, en dehors des notables et des ONG pour solliciter du financement et de l’assistance pour des projets divers, réels et fictifs, justifiés et mal formulés durant toute l'année.

Dans  quel sens la migration accélérée des jeunes, durant les différentes vagues,  aurait-elle affaibli ces jeunes institutions communautaires ? Que reste-t-il comme leadership collectif, de confiance et de compétence en termes d'acquis et d'atout,  au sein des rares organisations communautaires qui continuent de fonctionner dans les nombreux quartiers touchés par les violences et l'insécurité en Haïti ? Comment mesurer la déviance et la reconversion de certains jeunes, membres  de ces organisations qui fournissent depuis leurs services au sein des groupes armés ? À quand un inventaire par commune de l'ensemble des organisations de jeunes dans le pays ? Pourquoi renforcer et restructurer les politiques publiques, via la régulation, les services de reconnaissance et d’encadrement des organisations en Haïti ?

Démasquées dans beaucoup de cas, nombreuses sont les organisations qui ne traversent pas l'espace d'un projet financé. On finit par comprendre d’une part, que la majorité des organisations de jeunes pour le développement communautaire, issues de  plusieurs quartiers dans la capitale haïtienne étaient soit fictives ou dysfonctionnelles. 

D’autre part, ces jeunes (entre les fondateurs et les membres les plus actifs) qui les composent et leurs supporteurs, on peut confirmer que ces organisations ont toutes échoué dans leur mission principale face au tableau actuel. Elles sont absentes, en termes de réponse, d'actions, de propositions, de contributions, de mobilisations, de concertations et de représentativité dans les quartiers et les villes. À quoi servent pratiquement ces associations qui s'étaient donné des objectifs pour contribuer dans la promotion sociale et le développement communautaire à l'échelle communale, départementale et nationale, si en cas de crise elles disparaissent au lieu de servir de levier pour garantir le bien commun et protéger le patrimoine collectif  ?

Devant cette nouvelle dynamique basée sur la violence morale, économique et sociale pratiquement  autodestructrice du tissu social et familial qui s’impose dans la société haïtienne, en particulier dans les deux départements stratégiques touchés,  l’Ouest et l’Artibonite, on pourrait se demander sur la place des associations dans le pays, face à ce déclin de la culture de l'entraide.  Que deviennent ces organisations destinées à promouvoir et protéger les minorités ? Ces dernières disposaient pourtant d’une forte représentation de jeunes et de femmes. On ne peut qu'encourager la promotion des débats sur le rôle et l’apport des organisations de jeunes dans la promotion du vivre ensemble dans les quartiers et les villes du pays.

Défendre la résidence familiale et protéger la maison de ses voisins les plus proches à quel prix ? Promouvoir la culture de la résistance identitaire et de la protection physique du  quartier de son enfance et de son adolescence, les espaces d’appartenance familiale, collective, historique, économique, religieuse, et culturelle devrait s’inscrire dans le nouvel agenda des organisations de jeunes dans le pays.

Dans le système éducatif haïtien, il est venu le temps d’ajouter dans la liste des journées à célébrer, une période destinée à la promotion de  la vie associative en Haïti. Pourquoi les jeunes doivent-ils se mettre en association ? Quels sont les avantages et les défis de la vie associative dans le contexte actuel ? Quelles sont les nouvelles formes de regroupement associatif qu’il faudrait encourager sur les réseaux sociaux et dans les quartiers où évoluent le plus de jeunes haïtiens actifs, passifs ou proactifs ?

 

Dominique Domerçant

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