Quelle époque !

La classe politique haïtienne laisse l’impression qu’elle s’apparente à une énigme.  Difficile dans ces conditions, de ne pas revoir les axes, les possibilités d’interprétation des caricatures sociales de Maurice Sixto. Depuis quelque temps, elles ont arrêté de faire rire pour devenir des sources de légitimation d’une grande inquiétude. Un juge d’instruction pris la main dans le sac en extorquant un justiciable peut, quelques semaines plus tard, déballer sa propre vérité dans la presse. C’est une période de grandes confusions.

Nous traversons malheureusement cette période et nous nous enfonçons dans une époque coupable d’avoir proposé à l’opinion publique une image bienveillante des trafiquants de drogue, de bandits de grand chemin, des détrousseurs de peuple et des bouffons obscurantistes. Et cette sympathie est entérinée par le fait qu’ils ont le droit d’occuper la sphère publique et réclament le monopole de la conduite des affaires de  la nation dans tous ses aspects politiques, économiques et sociaux.

Le plus inquiétant reste le fait absurde que l’élite, avec ses immenses compétences et une connaissance certaine de son rôle, n’agit pas. Du moins, elle se contente de réagir dans ses fuites, dans ses « post » sur les réseaux et dans ses petites stratégies de survie. Tout au plus, quelques réactions de colère vite dissipées.

Quand l’élite n’agit plus, elle liquide son pouvoir de convaincre et cautionne la faillite de l’État qu’il aurait dû défendre. Les mots, utilisés par le président de la République dominicaine, au lendemain de son élection, pour parler d’Haïti, en disent long sur l’image que nous renvoyons aux voisins, proches ou lointains. La faillite de l’État est avant tout la faillite de l’élite qui se complaît à assister, sans broncher,  à la désagrégation des institutions et à la banalisation de la vie.

Depuis quelque temps, ceux qui ont besoin de se faire écouter, peu importe la raison ou la fantaisie, choisissent de le faire armes à la main, cartouches en bandoulière et accords sur le front. Les désaccords, l’arrogance, et la fabrique de légitimité préfigurent d’une ère de chaos total et peut-être irréversible. Pourtant, les Haïtiens vont avoir besoin de se parler, de se rencontrer, ne serait autour des élections à défaut d’outils politiques pour construire l’avenir du pays.

Il n’y a pas longtemps que l’on croyait aux vertus de l’État de droit et qu’on avait d’excellentes raisons de le promouvoir et de le défendre. Avec le silence complice de l’élite, bien des luttes ont été abandonnées. Il est évident que personne, même les voyous qui tirent les ficelles, ne souhaite vivre dans un pays plongé dans un marasme économique et incapable de garantir les droits fondamentaux de sa population.

 

 La Rédaction

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