Le chemin malaisé, mais nécessaire du dialogue politique

Une rencontre a eu lieu le vendredi 11 février entre les représentants de l’Accord de Montana et ceux du 11 septembre sous la direction du Premier ministre Ariel Henry. Un événement qui n’a pas manqué de provoquer une effervescence dans les salles de rédaction. Les principaux reporters sur place attendaient, haletants, une déclaration ou un communiqué sur l’issue de ces pourparlers qui ont maintenu le pays en haleine.

 

Ce ne sont pas tant les accords en eux-mêmes qui mobilisent à ce point, sinon le fait que des responsables haïtiens puissent se réunir et se parler au-delà des déclarations via les médias et le mince espoir que quelque chose de constructif en sortirait.

 

Ce n’est certes pas une première, on a vu des tentatives par le passé se terminer dans la plus totale des confusions. Nous faisons ici allusion au fameux accord de l’hôtel El Rancho sous la présidence Michel Martelly qu’il faut vite mettre aux oubliettes si on veut garder un brin d’optimisme.

 

Les négociations de la semaine dernière sont uniques dans la mesure où ce qui se discute concerne la volonté affirmée des partis d’entamer une transition qui ferait sortir le pays des sentiers battus de la corruption et de l’instabilité.

 

Le tweet du Premier ministre affirmant la volonté de son gouvernement de trouver une issue commune à la crise et le communiqué du Bureau de suivi de l’Accord de Montana  annonçant la poursuite des discussions a un certain écho dans la population.

Elle qui souffre au quotidien dans sa chair d’une insécurité galopante qui a de graves répercussions sur le panier de la ménagère. Dans certaines zones, comme au marché de la Croix des Bouquets et les environs de la Tremblé, toutes les activités économiques sont paralysées.

 

Au Carrefour Michaud, des groupes armés, prenant le contrôle de la circulation, interdisent le passage des camions de marchandises. La route stratégique pour le grand commerce avec la République dominicaine conduisant à Malpasse est sous le feu des gangs. Des trailers entiers de marchandises sont bloqués et des produits périssables pourrissent dans des entrepôts de fortune au bord de la route.

De nos jours, on ne parle même plus de « kidnapping », mais de razzias ou de chasses à courre tant le nombre de personnes enlevées par jour défie les statistiques les plus dramatiques. Et l’impunité est telle que certaines personnes sont désormais enlevées chez elles. L’insécurité foncière a de son côté pris la courbe dangereuse de sentences extra-judiciaires avec dans nos rues des exécutions spectaculaires au sortir du tribunal.

Dans un tel contexte aussi préoccupant, les négociations politiques prennent une tournure gravissime et les parties en présence ont pour devoir de prendre toute la mesure de la crise. On reproche souvent à ceux qui font de la politique dans ce pays de s’enfermer dans leur petite bulle et de ne pas être assez attentifs au drame qui se joue chaque jour dans nos rues éventrées par la violence des hommes et de la nature.

Vendredi dernier, ce fut pour la nation tout entière une légère bouffée d’oxygène, un effort que nous tenons à saluer. Pour aborder les grands chantiers que sont le mode de gouvernance, la durée de la transition, la réforme constitutionnelle, il faudra de la part des acteurs de l’intelligence politique,  du patriotisme et une capacité pas souvent évidente de souplesse tactique pour faire bouger les lignes.

C’est tout ce que nous pouvons souhaiter pas seulement aux parties en présence, mais à notre pays trop longtemps meurtri.

Roody Edmé

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