Carnaval 2022

La fête est également de l’apaisement social et le carnaval cristallise la manière la plus populaire  et la plus décomplexée d’offrir un divertissement au peuple haïtien.

 

À regarder de très loin, cette fête avait la capacité de mobiliser des énergies et des initiatives pour offrir du plaisir et de la détente. Ennemi mortel des protestants et des « gens distingués » par la force des préjugés, le carnaval a, ces dernières années, assumé sa transformation en outil des plus basses intentions politiques et source de détournement facile des fonds publics.

 

Jacmel, mis à part, les pouvoirs locaux ont été écartés de la gestion de cette grande manifestation qui s’est construite sur la proximité. Ce qui, d’ailleurs, a enterré toute la créativité et l’importance sociale de cette période de fête populaire. Le répertoire de masques et chansons satiriques a disparu au profit des querelles ou polémiques de musiciens, avec plus d’équipements que de talents,  et qui viennent faire des affaires en Haïti avant de repartir chez eux, à l’étranger. Évidemment.

 

Ce modèle, basé sur le fait de cloner à n’en plus finir à grand renfort de décibels générés par la technologie, ne peut plus garantir notre besoin de nouveauté. Ce modèle est incapable de rendre justice aux vrais sambas du pays qui ont appris à nous raconter des histoires inspirées de la vie de tous les jours dans les communautés d’Haïti, même celles des régions les plus reculées et enclavées.

 

Certaines fois, et c’est tant mieux, la pauvreté est bonne conseillère. La décision de désengager le pouvoir central dans la gestion directe du carnaval a été trop longtemps attendue. Il est vrai qu’on venait presque à se demander si le Palais national n’avait pas chanté l’enterrement du carnaval en Haïti. Il reste cependant la nécessité de redonner du sens à cette fête et de la transformer en activité économique viable capable de soutenir l’économie des collectivités.

 

L’industrie du carnaval ne peut faire cas simplement des performances de faiseurs de sons. Il s’agit également de  valoriser, de professionnaliser le travail des artisans et des artistes haïtiens garants de la diversité et de la créativité  inhérente  à cette manifestation populaire et immense.

 

Cette année, chaque haut dignitaire de l’État, chaque étudiant, chaque ouvrier, chaque patron devrait exiger qu’on lui donne de prendre du bon temps dans sa communauté avec sa famille et ses voisins. Pourquoi la commune de Kenscoff devrait-elle ignorer ses bandes à pied, ses talents et son histoire au profit de camion de sons qui expose les coucheries adultères d’un pauvre musicien qui joue pour se payer la frime et un appartement en Floride?

Rendez-vous donc à Kenscoff ou à Lasile  pour se donner un peu de répit pendant le Carnaval 2022. Toujours est-il que l’insécurité, la faim et la pandémie sont des paramètres à bien considérer.

 

Joyeux carnaval 2022 !

 

La Rédaction

 

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