Cette calamiteuse gouvernance

Combien les exactions des gangs ont-elles couté au pays pendant ces trois dernières années ? Si nous prenons seulement la zone de Mariani à Gressier, ce sont des dizaines d’hôtels, des centaines de commerces, des milliers de maisons, des hôpitaux, des écoles, qui ont été pillés. Quand les bandits ne peuvent emporter quelque chose, ils le détruisent dans une sorte de rage qui a presque à voir avec un nihilisme sauvage. Normalement, dans un pays avec une gouvernance fonctionnelle, on aurait dû évaluer les pertes causées par les bandes armées. Ces pertes doivent s’élever à plusieurs centaines de millions de dollars. Une telle évaluation, nécessaire, obligatoire, dans le cas d’une gouvernance même minimale, ne semble intéresser personne.

Ce refus d’évaluer les dommages causés par les gangs a-t-il à voir avec notre tradition d’impunité ? Certainement. Car cette évaluation forcément soulèvera la question du dédommagement des victimes par un État de toute manière responsable de la catastrophe et donc aussi celle de la responsabilité de ceux ayant la mission de protéger les vies et les biens d’une communauté. On voit mal un chef de la police dans une ville moderne restant en fonction comme si de rien n’était après le pillage généralisé des commerces et des demeures privées placées sous sa juridiction. En Haïti que ce soit dans le cas de Martissant, de la Croix des Bouquets, de Pernier, de Carrefour-Feuilles, de Mariani ou de Gressier, jamais n’est mise en cause la responsabilité de ceux ayant à charge la sécurité publique de la communauté.

Une défaillance aussi énorme de la sécurité dans un pays devrait être traitée de la manière la plus ferme qui soit. La justice devrait dire son mot. Mais nous savons à quoi est réduite notre justice. Si on poursuit les bandits, il faut aussi mettre en cause ceux qui ont eu les rênes de l’appareil sécuritaire. Car il y a non seulement le problème de la corruption, de la haute trahison quand des membres importants de l’appareil sécuritaire entretiennent des relations avec les gangs, il y aussi cette incompétence qui n’a pas permis de prévoir l’avancée des gangs vers Gressier. Actuellement aucune mesure ne semble être prise pour empêcher une progression de ces mêmes gangs vers Léogane.

Il ne faut pas oublier aussi que nous payons la victoire idéologique d’une gauche mal fagotée qui a détruit le quadrillage sécuritaire issu de la dictature au lieu de le réformer, de le transformer, de le démocratiser. Le renvoi de l’armée a fait le reste. Des pans entiers du territoire, nos vastes ghettos ont très peu vu la présence d’un policier. Certains jamais. Les CASECS n’étaient nullement préparés à la fonction de police qu’exerçaient les chefs de section qu’on a si souvent caricaturés. C’était facile pour plein de médiocres et de fous aux commandes de l’État de jouer aux révolutionnaires en distribuant partout des armes. Les trafiquants et les délinquants, les bandits légaux, se sont engouffrés dans cette énorme brèche.

Maintenant pour s’en sortir, il faudra de l’intelligence et beaucoup de poigne. Il faudra surtout des grands coups de balai dans toutes les allées de l’appareil d’État.

 

Gary Victor

 

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