La société haïtienne dévorée par la violence et toutes sortes de détestations n'a pas achevé sa mue. La jeunesse en quête de repères assiste, médusée, aux interminables scandales de corruption, à la destruction des lieux de savoir, à la fermeture forcée de bibliothèques et au pillage de nos archives.
Au milieu de ce chaos organisé et cette obscurité épaisse, des lueurs scintillent ici et là telles des pépites, des rayons de lune qui reflètent le soleil d'une promesse de renaissance. Le centre culturel « Anba zanmann » de Sonson Mathurin fait partie de ces lieux de démystification du savoir et de promotion de l'éthique de la responsabilité.
Dans une société où l'individualisme forcené se fait loi, les animateurs de ce forum se sont lancés dans une campagne exaltant la noblesse du service public éthique, cherchant à contrer cette pernicieuse maxime trop souvent pratiquée par les officiels de ce pays « voler l'état n'est pas voler ». D'où l'impérieuse nécessité d'informer et de former, une mission que s'est donnée « Anba zanmann ».
Cet été, le Centre s'est transformé en une véritable « ruche ». Les « dimanches du livre » ont attiré une multitude de participants, parmi lesquels des curieux, journalistes, intellectuels, directeurs d'école, responsables de médias, et enseignants, ainsi que des éminentes personnalités du monde artistique et culturel. Nombreux étaient aussi les jeunes venus pour recevoir un livre gracieusement offert par des écrivains.
Un mois d’août dédié à la lecture, au volontarisme culturel et au don. Car, comme le soulignait l'écrivain René Depestre, la culture implique des concessions : une concession de soi aux autres. Dans cet esprit, une « pléiade » de livres a été gracieusement offerte au public, incarnant une forme de gratuité « payante », celle qui enrichit par la généreuse transmission du savoir.
Ce projet de pont intergénérationnel par le biais du livre fait partie des activités permanentes que ce centre culturel souhaite pérenniser. Toutefois, cette continuité ne sera possible que si nous, ici et en diaspora, faisons tout notre possible pour que "le grain ne meure"
Notre société, profondément traumatisée, a un besoin criant d'initiatives rafraîchissantes qui ravivent notre humanité face à la brutalité de notre époque.
Roody Edmé