Grandir avec la jeunesse

La population haïtienne est composée majoritaire de jeunes. C’est une réalité qui rassure et qui fait peur en même temps, d’autant que la biologie ne suffit pas pour déterminer les caractéristiques de groupe. Il est courant de rencontrer un individu de 45 ans qui se réclame de la jeunesse dans un pays où l’espérance de vie tourne autour de 63 ans en moyenne. Loin d’être cocasse, c’est fondamentalement déroutant.

À bien réfléchir, il ne s’agit pas simplement d’une occultation de l’âge ou d’un refus de vieillir, mais plutôt d’un sentiment d’appartenance à un groupe d’individus qui cherche à s’inscrire à l’avenir en espérant et en guettant la première opportunité capable de les transformer en citoyens autonomes et accéder à l’âge adulte. Le problème est que ce désir légitime peut se réduire à un vœu pieux. Rien que cela.

Mais au-delà de cette petite confusion sur la tranche d’âge, la société est surtout à blâmer, car elle fait peu ou pas du tout de place à la jeunesse haïtienne qui doit se colleter à toutes sortes de difficulté pour vivre dans son pays avec ce qu’il faut de dignité et de tranquillité. Cette jeunesse est traumatisée par la longue période d’instabilité politique qui favorise le chômage et toutes les formes d’insécurité. Aussi, doit-on tenir compte de ce discours plus factice que facile qui stigmatise les jeunes en les faisant porter tous les aspects de l’incivisme, du banditisme et de la paresse.

Les jeunes sont que des victimes des errements de la société haïtienne depuis très longtemps. Ce sont eux qui subissent les conséquences de décennies, voire de siècles, de mauvais choix des adultes. Il ne fait aucun doute que la frustration actuelle des jeunes haïtiens est le produit d’un choix de société et d’une construction politique.

Ce 12 août 2021, pour la Journée internationale de la jeunesse, il est fondamental de réfléchir sur le rôle (social et politique) des jeunes haïtiens dans le devenir du pays. En ces temps de tâtonnement et de brassage d’air pour trouver une « solution » à la crise, les jeunes ont surement mieux à proposer que des accords scélérats ou recyclés autour d’un buffet d’hôtel. Le message du secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, en cette journée, est clair et lucide. « Les jeunes ont un rôle moteur à jouer pour trouver des solutions et doivent donc avoir voix au chapitre, y compris dans les processus d’élaboration des politiques aux niveaux local, national et mondial », a-t-il déclaré.

Il est évident que l’implication des jeunes dans le devenir d’Haïti peut générer des résultats significatifs. Pour commencer, il faudra leur garantir la possibilité de vivre, de se former, de s’impliquer et de travailler en Haïti. Aux dernières Olympiades déroulées à Tokyo, des jeunes d’origine haïtienne ont fait sensation sous les couleurs d’autres pays. Haïti a pu composer sa délégation de perdants avec d’autres jeunes « d’origine haïtienne » qui, incapables de se qualifier avec le pays qui, un jour, avait accueilli leur famille, se sont rabattus sur une Haïti sans ressources. Un pays qu’ils évitent généralement, parce que trop peu organisé et trop risqué même pour leurs envies de vacances.

Les jeunes peuvent être les acteurs du changement espéré en Haïti. Certains s’impliquent déjà et nous impressionnent agréablement. Mais, il en faut plus. Beaucoup plus. Sinon, le TPS restera notre seule planche de salut.

Jean-Euphèle Milcé

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