Le drame et le chaos actuels causés par l’explosion des gangs ne doivent pas nous faire oublier que le responsable de la situation est notre pratiquement inexistante gouvernance. Depuis la fondation de notre État, elle a été nourrie du mépris du peuple, ce peuple de glorieux va-nu-pieds de 1803, vantés dans les discours officiels, mais chassés de l’espace étatique, méprisé, haï, rejeté par une certaine élite qui se considère comme une race supérieure, pire que les colons blancs.
L’État haïtien a accepté d’ignorer de vastes espaces de notre territoire avec ses populations. Tout près de Port-au-Prince, dans certaines sections communales de Carrefour des enfants apprennent à lire et à écrire, assis sur des pierres ou sur des blocs avec un bon samaritain s’instituant en professeur obligé de se servir d’un carton et d’un morceau de charbon de bois.
Nous connaissons la misère infecte de nos bidonvilles. Des centaines de milliers de jeunes n’ont pas les moyens de se payer un plat chaud et ne peuvent pas aller à l’école. Ils n’ont pas d’avenir, mais ils ont toujours devant eux le mirage du rêve capitaliste, qui consiste à posséder par exemple un téléphone intelligent.
Si notre capital humain est aussi méprisé, aussi ignoré que dire de notre espace physique ? Encore que l’organisation de l’espace physique est de la responsabilité première des dirigeants. Mais, l’organisation de l’espace physique n’est que le reflet du mental. À élite au mental misérable, espace physique encore plus misérable.
Avant de parler complot, il faut penser à la qualité des dirigeants. Un complot passe parce que la chaine de pouvoir national est viciée et pourrie. Les pays latino-américains sont passés par les Fourches caudines pour commencer aujourd’hui à s’en sortir. L’Afrique, pour qui nous devrions être un exemple, mais dont nous sommes devenus la honte, valets des étrangers que nous sommes, se réveille avec de jeunes leaders qui font naître l’espoir chez la jeunesse africaine. Même si l’Occident peut encore compter, pour continuer à piller le continent, sur des individus corrompus et prêts à tout pour quelques millions d’une monnaie factice.
Nous avons créé le monstre avec nos méchancetés, nos incompétences, nos mépris cultivés avec une violence inouïe. Ce monstre, les gangs, nous sommes bien obligés de le combattre. Mais, si nous oublions que c’est nous qui l’avons créé, et qu’il nous faut changer complètement notre gouvernance et comprendre qu’il y a un pays à gérer et non pas des tribus de rapyay, on n’ira nulle part.
Gary Victor