Les pauvres d’esprit !

La pauvreté est généralement décrite comme l’état d’une personne ou d’une communauté qui est confrontée à une insuffisance cruelle de ressources. Cette pauvreté dont on parle ici est inscrite dans une matérialité bien spécifique. Elle peut susciter de la pitié ou de l’indifférence. Mieux, elle peut provoquer de la colère et porter les âmes d’élite d’une nation à tout entreprendre pour juguler ou réduire le plus possible cette pauvreté. Il y a aussi des ténébreux qui pensent pouvoir jouir de cette pauvreté, prenant leur pied dans cette négation de l’humain qu’un tel état de choses provoque forcément.

Si la mission principale de l’esprit humain est d’agir sur les choses, et donc de les rendre favorables aux êtres vivants, la Genèse parle de cette mission confiée à l’homme par Dieu, la pauvreté ne peut pas être vue comme une malédiction, une marque du destin, mais comme le résultat d’une déviation si ce n’est tout simplement d’une mort de la part divine inscrite dans l’âme humaine.

Mère Theresa a trouvé les mots justes quand elle dit : « Le manque d’amour est la plus grande pauvreté ». Robert Sabatier va plus loin en écrivant : « La pire des pauvretés est la pauvreté de l’esprit. » Et si notre pays est plongé dans cette crise qu’on connait avec ces acteurs arcboutés sur des positions absurdes, c’est parce que la nation pâtit cruellement de ces luttes pour le pouvoir, c’est parce que justement nous sommes sclérosés par ce manque d’amour pour ce sol et par notre terrifiante pauvreté d’esprit.

Il est une tradition pour un président américain en fin de mandat de faire construire une bibliothèque qui porte son nom. Une bibliothèque symboliquement est le dépositaire des connaissances et des arts d’une civilisation, d’une société. Construire une bibliothèque, c’est s’inscrire dans le futur. C’est marquer sa foi en sa civilisation.

C’est donner à l’esprit la priorité sur les instincts animaux.

À quoi peut penser un chef d’État haïtien en fin de mandat ?

Nous sommes pauvres d’esprit parce que nous sommes sans compassion pour l’autre. Notre civilisation est boiteuse en raison de l’omniprésence de ce mépris de l’autre qui nous ronge. Qui de nous, et certainement moins les responsables, a-t-il été choqué, interpellé, quand en passant sur la route du Canapé-Vert, limitrophe de quartiers, dit-on riche du pays, a été écoeuré par ce spectacle de ces bidonvilles hideux, étalés sur les collines, exposant ainsi sans fausse pudeur la pauvreté d’une population au grand jour. Les nuits, ces ruches de pauvreté déversent dans les rues de la cité ces armées de prostitué(e)s qui vont offrir leurs corps à ces malades qui trouvent du plaisir dans la misère couchée à leur pied.

Ridicules nous continuerons à l’être si ces combats de petits chefs vont se conclure par la victoire d’un groupe, d’un clan, qui va se contenter de se pavaner dans les rues de la cité dans des cortèges de jeeps de luxe lancées à toute allure, de jouir des privilèges traditionnels du pouvoir alors que la pauvreté continue à décimer une population plus que jamais aux abois. Le drame c’est que la pauvreté même d’esprit – elle est encore plus courante chez nous que la pauvreté matérielle- prive l’homme de toute vertu, comme écrit Michel Tournier qui continue en rappelant, qu’il est difficile à un sac vide de se tenir debout.

On comprend pourquoi il est si difficile à de nombreux citoyens sur cette scène de rester debout. Ils sont pauvres d’esprit. Ils sont sans vertus.

Des sacs vides !

La Rédaction

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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