La foire aux dons !

Elles sont nombreuses les personnes et les institutions, les coeurs sur la main et sensibilisés par les opportunités insoupçonnées dans la gestion de l'aide humanitaire, qui se sont mobilisées depuis la journée tragique du 14 août 2021, pour motiver le plus grand nombre des institutions philanthropes connues et de bienfaiteurs anonymes, capables d'offrir des dons de toutes sortes au profit des victimes du dernier séisme en date. Bienvenue à la foire aux dons, ou l'autre face cachée du marketing social et politique !

Dans l’objectif d'assister les familles des victimes du dernier séisme en date en Haïti, la générosité et l'empathie priment, dans beaucoup de cas, sur les mauvais souvenirs de l'aide humanitaire de 2010. Qui seront les nouveaux millionnaires du séisme de 2021 ?

Des messages de solidarité, des images qui invitent à la pitié, des reportages dans certains médias confirment certaines vérités autour de la triste réalité des familles survivantes, ayant perdu des proches parents, des amis, et des éléments importants de leurs patrimoines, en termes de biens matériels, des plantations et de têtes de bétail.

Dans la nouvelle foire aux dons qui prend place un peu partout dans le pays, à travers des initiatives individuelles, sur les réseaux sociaux en grande partie à travers des réseaux professionnels et institutionnels, il faudra surtout prendre en compte le levier composé des trois éléments qui sont : les urgences des victimes, les possibilités des donateurs humanistes, et la crédibilité des individus et institutions qui sollicitent les dons et se convertissent en passerelle pour faciliter l’acheminement de ces produits humanitaires de toutes sortes. Que retiendrons-nous comme bilan des interventions humanitaires dans les villes effondrées en 2021 ?

Des anciens et nouveaux donateurs vont ainsi se croiser dans cette foire, comme les anciens et nouveaux demandeurs d’aide, dont le nombre est en nette progression, dans la présente crise humanitaire qui affecte la région du Grand Sud.

Dans cette grande foire humanitaire qui est devenue la marque haïtienne au fil des ans, les principales grandes ONG à l'échelle internationale se sont toujours imposées sur le plan quantitatif et qualitatif, par les millions qu’elles reçoivent au nom d’Haïti, au nom des victimes, au nom du redressement et du développement qui tarde à venir, à force que les miettes soient tellement éparpillées dans les assiettes des plus souffrants et des plus gourmands de la République. Quels sont les mécanismes de contrôle dont dispose l'État pour évaluer et organiser les interventions sur le terrain ?

Dans le documentaire Assistance mortelle de Raoul Peck, tout a pratiquement été dit, sur l'ingérence, l’implication, l’influence de l’internationale dans le détournement de l’aide promise pour la reconstruction d’Haïti au lendemain du 12 janvier 2010.

Près de douze ans plus tard, la nature vient tout juste offrir de nouveau des opportunités en or pour la machine humanitaire, au nom de toutes les victimes et les personnes disparues. Avec le séisme du 14 août 2021, les portes du salon humanitaire sont grandes ouvertes pour accueillir les petits et grands donateurs qui se complètent entre les membres de la diaspora, les entreprises locales, des multinationales, des pays amis et même des mains invisibles. Comment la société civile au sein de chaque commune accompagne-t-elle les agents humanitaires après la catastrophe ?

Deux semaines après, elles sont nombreuses les familles et les communautés en attente de cette aide, pas encore accessibles dans des quartiers appauvris bien avant le drame et des villes désorganisées. À qui profiteront véritablement ces dons ? Faudrait-il élaborer une charte d'éthique pour les interventions humanitaires en Haïti ? Comment empêcher le détournement ou le gaspillage des ressources destinées aux familles vulnérables ? Pourquoi économiser une partie des ressources mobilisées pour la reconstruction et la relocalisation des familles, et la création de richesse au profit de ces dernières ?

Dans la nouvelle foire aux dons en cours, chaque individu solidaire et chacune des institutions humanitaires tenteront de justifier leur proximité avec les victimes sur le terrain et en fonction de leurs besoins, pendant que la grande majorité des acteurs, à la fin des interventions, ne prendront pas la peine de publier leurs rapports, pour ne pas se mettre en désaccord autant avec les bailleurs qu’avec les bénéficiaires. En dehors de la foire des donateurs, à qui profitera cette nouvelle catastrophe naturelle tant sur le plan économique, médiatique et politique ?

Dominique Domerçant

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES