« Désormais »: le maître mot de l’après-catastrophe!

Des parents et des professeurs, dans le temps, après une faute commise par leurs enfants ou les élèves, commençaient souvent leurs réprimandes par le maître mot « Désormais ».

Désormais, tu ne feras plus ceci, il est interdit de faire cela ! Une injonction, ou une affirmation, de l'autorité qui avait toute son importance dans la chaîne des actions et réactions, ou dans la hiérarchie des autorités, pour l’application des anciens règlements ou des nouveaux principes établis, sous peine de sanctions.

Il fut un temps où le « Je veux, et je peux », dominait la scène médiatique avec des derniers discours politiques très affirmatifs et incisifs. On constate avec peine de nos jours, en dehors de la saison des promesses vertes, combien il manque terriblement des injonctions comme dorénavant, plus jamais ou désormais dans la suite logique des décisions qui devraient pouvoir redresser la barque nationale. Dommage !

Des gestes individuels et des actions collectives et institutionnelles pour sauver des vies et protéger ce qui reste dans les quartiers, les villes et les départements touchés s'amplifient au fil des jours, après le drame du 14 août 2021. Pourtant, cela n'empêche pour autant de poser des bonnes questions, par respect pour la mémoire des deux mille cadavres et plus, en dehors des dizaines de milliers de blessés et des disparus.

Dans l’espoir d'éviter d'allonger de façon irréversible la liste des victimes des prochaines catastrophes naturelles, il faut inévitablement évaluer dans chaque ville, dans chaque quartier, dans chaque maison effondrée, dans le trépas de chacune des personnes, dans la dégradation des blessures et l'aggravation des souffrances, la part de responsabilité des autorités et des institutions qui devraient pouvoir fournir des services en temps normal et surtout en temps de crise !

Du simple citoyen en passant par l’ensemble des familles qui occupent ces villes, et certainement en pointant du doigt les autorités communales de chacune des villes touchées, et enfin les représentants de l’État central, il faudrait commencer une fois de plus, après le drame de 2010, par délimiter les responsabilités spécifiques de chacun des acteurs, de chacun des membres de ces communautés, en vue de mieux les responsabiliser de façon graduelle et hiérarchique une fois pour toutes, dans un proche avenir. Les directeurs d'opinion, les principaux chefs des organisations et institutions religieuses (toutes confondues), qui critiquent et chassent souvent le diable, comme bon nombre des médias et des animateurs vedettes, ont aussi leur part de responsabilité dans ce chaos actuel, et un rôle déterminant à jouer dans la promotion d'une meilleure conscience collective et responsabilité citoyenne.

Des excuses, on en aura certainement pour chaque secteur, pour chaque autorité, pour chaque membre des familles qui deviennent tous à la fin des auteurs ou complices dans la mort de ces centaines et milliers de personnes de toutes les catégories sociales confondues. Quelles ont été les mesures prises par chaque mairie des villes les plus touchées pour empêcher la construction d’un certain nombre de maisons anarchiques ? Comment les chefs des familles et leurs proches évoluant dans la diaspora se sont amusés naïvement à investir dans des constructions en béton sur plusieurs niveaux sans faire évaluer la nature fragile du sol ? Comment les notables de chacune des villes touchées s'étaient-ils organisés pour appuyer les actions de la mairie et de l’État central en matière de réglementation et de supervision des normes antisismiques dans les communes du pays ? Comment l'Exécutif et le Parlement en Haïti planifient-ils pour la constitution des réserves stratégiques de nourritures et des ressources logistiques au niveau de chaque département géographique, en prévention à la saison cyclonique et aux séismes imprévisibles qui nous visitent désormais plus fréquemment.

Désormais devrait être ce mot d’ordre indispensable, pour introduire dans les faits le prochain grand discours du premier des autorités politiques en Haïti.

Désormais, sera appliqué l'ensemble des prescriptions dans le plan d'aménagement du territoire déclinées autour de chaque région, département, commune et arrondissement.

Désormais, les mairies (administrations communales) devront disposer de tous les moyens pour assurer pleinement leurs fonctions, tout en disposant des réserves d'urgences stratégiques pour les éventuelles catastrophes humaines et naturelles, en commençant par la formation régulière et équitable des secouristes, des médecins, et des sapeurs-pompiers.

Désormais, le système éducatif haïtien et les associations des médias vont institutionnaliser la campagne de sensibilisation et de prévention des catastrophes naturelles afin de responsabiliser les enfants et leurs parents, les familles et les institutions, en commençant par le Grand-Nord, dont les pronostics sont au rouge en termes de risques sismiques, entre autres.

Désormais, Haïti va cesser de se faire insulter par certains pays et des institutions internationales, lors des catastrophes prévisibles, par certaines aides humanitaires qui ont tout du Cheval de Troie.

Désormais, le Gouvernement haïtien, dans la continuité de l'État, va choisir d’investir, pardon, d’injecter des millions de gourdes dans l’organisation du carnaval national chaque année, même dans des conditions d'insécurité extrême, de crise politique et sanitaire, pendant que d'autres institutions stratégiques réclament des ressources pour offrir un minimum de service à la population.

Désormais, la République d’Haïti va se doter d’un agenda national, qui va faire la différence entre les urgences et les priorités, les possibilités et les opportunités que chaque situation politique, chaque événement dramatique et chaque occasion décisive peuvent offrir aux différentes régions dans leurs besoins spécifiques, et à l'ensemble du territoire dans l'intérêt national.

Désormais, il nous faut cette prise de conscience collective qui doit aboutir vers un engagement inclusif, impliquant tous les acteurs privés et publics, qui doivent finir par reconnaître qu'Haïti mérite mieux. Qu'Haïti peut faire mieux ! Particulièrement dans les moments de catastrophes, en matière de prévention systématique, de gestion intelligente et de solution durable !

Dominique Domerçant

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