Un socle de valeurs à reconstruire

Une société a grand besoin, pour progresser, de reposer sur des valeurs morales et/ou républicaines. Sans ces repères qui constituent des fondamentaux nécessaires à la cohésion sociale, toute communauté d’êtres humains est condamnée à la dispersion, au délitement et finalement à la perte fatale d’identité.

La faiblesse des institutions étatiques, la déstructuration des familles sous les coups de boutoir de la précarité et de l’émigration forcée affectent dangereusement la société haïtienne exposée aux vents contraires de la mondialisation. Tout se passe comme si coincée dans une identité meurtrie et la démission de ses élites, la formation sociale haïtienne dépourvue de ses « défenses » naturelles, n’offrait aucune résistance aux courants d’ailleurs les plus permissifs. Dans ce vaste supermarché qui nous sert de monde, l’individualisme et les eaux glacées de l’égoïsme balayent sur leur passage la bonne vieille vie de quartier, l’amitié et la solidarité qui furent une caractéristique profonde de nos populations.

La violence politique inscrite depuis trop longtemps dans nos gènes alliée à une insécurité rampante qui s’est installée devant nos portes depuis quelques années a abîmé sérieusement la psychologie de l’être haïtien. Il ne faut pas négliger la part de déceptions infligées au peuple par des dirigeants qui, après avoir promis monts et merveilles, se révèlent souvent pires que ceux contre lesquels ils ont fait campagne. La mondialisation qui s’annonçait comme une opportunité de partage des techno-sciences et des solidarités mondiales fait plutôt la part belle à un monde dont la brutalité économique et la sauvagerie meurtrière se globalisent atteignant les espaces les plus protégés. Haïti, est de ce point de vue, d’une très grande vulnérabilité, compte tenu de la crise chronique des valeurs corollaire du comportement trop souvent irresponsable de ceux qui ont mandat de le diriger depuis quelques années.

Les réseaux sociaux sont devenus des espaces où se conjuguent dénigrement, propagande haineuse, désinformation, joutes électroniques entre groupes d’intérêts violemment opposés. On ne trouve que trop rarement des messages de paix, de solidarité, des mouvements porteurs contre la corruption endémique qui gangrène notre société. A contrario, les messages célébrant le gain facile et rapide et faisant l’apologie du luxe factice deviennent viraux.

Aujourd’hui, on se désole de constater à quel point certaines de nos valeurs ont fondu comme beurre au soleil. Les comportements et les faits et gestes sont au quotidien, révélateurs de l’état de déliquescence civique dans lequel patauge notre société. L’état scabreux de nos différents services publics finit par rendre malades les usagers. Le commerce le plus rentable dans les bureaux publics est celui de se faire prendre la tension artérielle pour quelques gourdes par des opérateurs qui ont compris qu’attendre des heures dans d’interminables files peut finir par vous faire péter les plombs.

Que dire de l’anarchie de la circulation automobile ? Les camions qui foncent sur des véhicules de faible tonnage dans un bruyant rapport de force, les chauffeurs de camionnettes qui profitent d’un blocus pour se soulager en arrosant leur portière d’urine sans se soucier du regard des autres. Sur ces certaines voies comme celles de Laboule ou de Kenskoff, sans parler de nos routes nationales, on roule à tombeau ouvert. Aucune règle n’est respectée, sinon la loi du plus fort ou celle du chauffard le plus habile. Ce qui fait que comme dit le poète, dans notre pays on va à la mort par habitude.

Toutes ces questions interpellent la conscience citoyenne et réclament de la part de l’ensemble de la société civile un réveil civique et patriotique, loin du bruit et de la fureur des luttes politiciennes trop souvent stériles.

Roody Edmé

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