C’est vraiment grave, docteur ?

Nous n’avons peut-être jamais connu d’exercices plus délicats que celui de travailler sur une résolution acceptable de la crise haïtienne. À ce sujet, les derniers évènements, propositions et prises de paroles légères dans le dossier haïtien prouvent que la lucidité est la grandeabsente dans les efforts pour freiner la dégradation vertigineuse de tous les registres de fonctionnement de la société et de l’économie. Il y a tellement à faire que le défi, déjà de taille, se révèle complexe. Et, malheureusement pour ceux qui sont en charge de la gestion du pays, il faut courir plusieurs lièvres à la fois.

En 2008, la faim avait mis dans la rue des dizaines de milliers d’Haïtiens pour un mouvement de protestations qui a eu raison du gouvernement de Jacques Édouard Alexis. Pour calmer la population, on se rappelle, le président Préval a lâché son Premier ministre et a choisi d’appliquer un pansement sur la plaie en putréfaction. Une boite de Pandore s’est ouverte lorsque le président de l’époque, se laissant tenter par la solution la plus facile, a permis à son administration de puiser dans le fonds, qu’il croyait sûrement sans fond, Petrocaribe. Cette solution hasardeuse a aussi été adoptée par l’équipe qui a succédé à celle de Préval. On connaît la suite et on sent surtout le poids du service de la dette sur les finances publiques.

L’économie haïtienne est moribonde depuis quelques années. Ce, dans un contexte d’une gouvernance gangrénée par des forces occultes malfaisantes et une opposition qui fait du bruit quand elle a faim. Seulement et surement.

Des années de blocage, de cacophonie, de débordements du pouvoir, d’annonce de dialogues inclusifs n’ont pas permis de faire fonctionner les institutions haïtiennes pour garantir la stabilité nécessaire à la croissance économique et à l’instauration réelle et sans accroc de la démocratie.

Au-delà de toutes les affaires pendantes relatives aux crimes financiers (e. i. le fonds Petrocaribe), les assassinats ciblés et les massacres dans les quartiers, le pays se retrouve aujourd’hui sans élus (quasiment), sans moyens pour le relèvement des compatriotes du Grand Sud, sans solution pour contrecarrer les gangs et rétablir, du coup, la paix et la sécurité.

L’assassinat du dernier président, la délocalisation vers l’est des plusieurs entreprises haïtiennes, le départ massif des Haïtiens vers des proches et des lointains ailleurs, les notes sournoises des amis étrangers, la ballade sans fin des émissaires américains, la puissance grandissante des gangs et le jeu irresponsable des acteurs politiques sont autant de symptômes de la crise haïtienne. Le pays va mal, en vérité.

En début de semaine, c’était la Journée internationale des filles. Nous sommes nombreux à être parents d’une fille ou qui rêvent de l’être. Le pays nous empêche de penser à l’avenir, particulièrement à celui de nos filles qui d’après les Nations unies « franchissent chaque jour des obstacles, en s'attaquant à des problèmes tels que le mariage des enfants, les inégalités en matière d'éducation, la violence, la justice climatique et l'accès inégal aux soins de santé ». En Haïti, nous ne sommes pas encore là. Nous ne savons même pas quoi faire pour collecter et gérer les déchets.

Pour chaque habitant de notre pays, demain n’est qu’un miracle.

Jean-EuphèleMilcé

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