Le repos du guerrier

Quand la puissante armée française avait fait le constat de l’exploit militaire de Capois la Mort, sur le champ de bataille de Vertières, elle avait, dans la noblesse du métier des armes, observé un moment de répit et de salut au général nègre qui venait de se « couvrir de gloire. » Le boulet de canon de l’armée napoléonienne n’avait jeté que le chapeau de Capois et fait culbuter son cheval. On le croyait foudroyé. Dans la pure tradition du récit romanesque d’un Gabriel Garcia Marquez, il se releva de la fumée toxique et le sabre au clair, lança vers ses soldats revigorés : » Les boulets ne sont que de la poussière ! »

 

On imagine la scène du général nègre se secouant le dolman dans une moue de mépris comme s’il ironisait la mort envoyée « par ceux qui ont inventé la poudre à canon » ! Ces derniers, éblouis, ont dû mettre un arrêt à la bataille engagée pour saluer militairement, et aux sons des tambourins et des trompettes, l’ennemi qui vient de les fasciner. Ce temps d’arrêt est la reconnaissance que la guerre n’est pas toujours une lourde boucherie. Qu’il y a une belle élégance même dans la plus farouche hostilité. Que la salutation momentanée d’un camp adverse élève les guerriers à la dimension humaine.

 

 

Que les justifications des combats ne peuvent faire taire en nous notre sensibilité originelle. Que notre engagement dans de troublantes histoires de clans, de tribus, de classe, de race et de systèmes hégémoniques ne peut nous mettre que sur la route du barbare.

 

 

Nous avons le droit de protester et de nous révolter quand nous croyons être vilement emmenés en bateau. Cette révolte, si elle se justifie dans la détermination d’une juste cause, devient vite un innommable carnage quand elle ne reconnait pas le droit du repos au guerrier.

 

Il ne s’agit pas de fatigue. C’est un droit de se sentir lassé. Car, à force d’exiger des muscles une résistance de tous les instants, il y a le risque de les distordre de leur fonctionnement normal. À ce stade, il faut toute une opération chirurgicale ou une relaxation orientale pour que le corps retrouve son rythme régulier. Quand on dit qu’on est fatigué, on reconnait ses limites. On demande de l’aide pour continuer son travail sur les hommes et les mots. Il en est de même des musiciens exténués ou des hommes politiques qui s’entredéchirent pour le contrôle du pouvoir.

 

 

Les tiraillements de toutes sortes, de tristes affaires de fraudes, l’extrême confrontation d’un clan par rapport à l’autre, les manœuvres et contre-manœuvres, les coups bas et ripostes de coups bas, les tactiques d’irritation et les accusations de toutes sortes infectent les médias. Il reste, sur ce terrain miné, l’image d’un peuple errant, insomniaque et accablé. Nous en sortons avec de grands éreintements. Le vrai guerrier est celui qui sait la grâce du repos.

 

Il y a des reculs dans tout combat. On doit comprendre que des jeux de division nous empêchent d’être unis pour le meilleur contre le pire. Il est venu le temps du repos du guerrier pour que les autres batailles soient plus efficaces et les nouvelles victoires plus réussies.

 

La Rédaction

 

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES