Effondrement!

Les HaÏtiens ne contrôlent plus  leur territoire », c’est la déclaration troublante de vérité d’un officiel dominicain lors de la dernière réunion de l’OEA sur Haïti. Un événement officiel qui devait se dérouler au Pont-Rouge ce 17 octobre n’a pu avoir lieu en raison de la confiscation de cet espace de mémoire par des groupes armés.

De nombreux citoyens ont été enlevés encore une fois ce week-end comme s’il s’agissait d’un rendez-vous fatal, auquel personne, y compris la Police, n’y peut rien.

Un autocar rempli d’étrangers américains et canadiens a été détourné en direction de la base du groupe dénommé « 400 mawozo ». Un groupe connu pour ses enlèvements spectaculaires et qui écume La Plaine du Cul-de-sac.

Tous ces kidnappings complètent un impressionnant tableau de chasse que des bandits sans foi ni loi exhibent en toute impunité au nez et à la barbe des autorités impuissantes et d’une communauté internationale outrée, mais indifférente, se gargarisant de promesses d’aide et dont la mythique sœur Anne ne voit toujours rien venir 

Le « Washington Post »  annonçait la semaine passée qu’à côté du titre peu enviable de pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental, Haïti serait devenu le pays au taux le plus élevé de kidnappings. La destruction sauvage du village de Noailles rappelle un acte de guerre. L’assassinat crapuleux du sculpteur Béloni est une main honteuse portée contre un de nos plus grands créateurs.

Le gouvernement actuel issu de bric et de broc d’un accord entre le défunt président et l’actuel Premier ministre Ariel Henry est comme hypnotisé par ce « serpent maléfique » de l’insécurité dont les anneaux de terreur étranglent les familles haïtiennes et étrangères présentes sur le territoire

La puissance économique et militaire des gangs est telle qu’ils disposent d’agents de renseignement, de policiers infiltrés et de franchises sous le contrôle de sous-chefs de quartiers.

La carte stratégique du pays est redessinée par des caciques du crime organisé et l’économie sous-terraine affiche une arrogante croissance au détriment de l’économie réelle. Mais il n’y a pourtant pas de fatalité. Il y a moyen de s’attaquer au fléau si, conscients du danger, les représentants de la société civile et des partis politiques tentent un rapprochement en ce qui concerne leurs visions respectives de la gouvernance de la transition. Et si surtout, une médiation nationale émerge au milieu du bruit et de la fureur pour trouver une solution haïtienne sans exclusive, dans le respect des uns et des autres, sans tentation hégémonique.

La société haïtienne montre qu’elle a encore des « muscles » avec l’opération «  ville morte » déclenchée à la faveur de la grève des transporteurs. Il manque cependant, depuis quelques années à la lutte pour le relèvement national une pensée stratégique capable d’orienter pour le meilleur nos luttes trop souvent récupérées et annihilées dans une forme d’anarchie improductive.   

Le Léviathan qui nous menace n’a jamais été aussi puissant et de nos divisions il croît et se fortifie. Si nous ne mettons pas ensemble nos énergies pour combattre l’insécurité et cet effondrement institutionnel et moral, aucun groupe, aussi bien intentionné soit-il, ne pourra diriger ce pays. 

Roody Edmé    

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