La Police nationale a un nouveau commandant. Le commissaire Frank Elbe qui remplace à ce poste l’ex- officier et diplomate Léon Charles. Ce dernier a connu un bilan particulièrement lourd durant son passage au sommet d’une institution tiraillée de toutes parts par des intérêts divers. Ce haut fonctionnaire était en fonction lors de la terrible nuit du 7 juillet de l’assassinat de l’ex-président Jovenel Moïse et il a été celui qui a supervisé l’enquête pleine de rebondissements de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). L’ancien DG jurait les grands dieux de vouloir combattre les gangs armés qui sévissent à la capitale et les villes de province. Son état de service a cependant été entaché par l’échec sanglant de l’opération policière contre les « soldats » de la bande à Izo, chef de guerre réputé du front de mer. Sous son administration on a enregistré quelques opérations coups de poing dans des zones comme la plaine du Cul-de-sac ; mais « trop peu pour défaire une armée », affirme un des plus redoutables chefs de la zone.
Il faut dire que la Police souffre de graves problèmes logistiques : blindés légers qui tombent souvent en panne en pleine opération ou qui se « déboîtent » sur nos routes défoncées ; lacunes tactiques face à des « guérilleros » urbains habitués au feu et sous amphétamine ; difficultés de jonction entre groupes d’avant-garde et l’arrière garde ; motivation en berne en raison de l’absence d’unité de commandement ou de problèmes de retards de paiements.
Il n’est pas rare de voir dans les rues des patrouilles peu enclines au travail de contrôle des véhicules qu’elles sont censées surveiller et s’il leur arrive d’interpeller un chauffeur, c’est uniquement pour vérifier si la dernière taxe de l’OAVCT ou de la DGI a été payée.
Les forces spécialisées sont peu nombreuses et les services de renseignement quasi absents. Cette force a trop sur les épaules. Sous-équipée, elle ne peut assurer la sécurité sur l’ensemble d’un territoire « balkanisé » par des gangs puissamment armés et qui ont une connaissance supérieure des théâtres d’opérations.
Les Ports-au-princiens paient au prix fort la planification anarchique de la ville. Il est impossible pour les chars légers de la PNH de pénétrer des quartiers où aucune route n’est aménagée. Et les unités qui s’y risquent se font canarder par des francs-tireurs qui les dominent depuis des grappes de maisonnettes à flanc de coteaux.
La multiplication de points fixes peu actifs ne rassure guère les passants. Au contraire, la décontraction et l’indifférence de certains agents quelquefois absorbés par leurs smartphones font craindre pour leur propre sécurité.
Les bandes armées, désormais aguerries ont subi une mutation à laquelle les forces de sécurité n’ont pas su s’adapter. Contrairement aux gangs de certains autres pays qui ne cherchent pas forcément noise aux policiers pour ne pas nuire leurs affaires lucratives, les nôtres sont pris par les bandits pour des canards sauvages. Il semble qu’ils ont la certitude de leur supériorité tactique, de l’enfer que constitue leur base de repli, sans compter les protections dont ils peuvent jouir ici et là au sommet de l’État.
Il faut en urgence revoir les effectifs, renforcer les forces spécialisées, formuler clairement les règles d’engagement , dépolitiser ce corps. Bref, une mise à neuve opérationnelle de la principale force de sécurité trop dangereusement délaissée et qui est traversée par des ondes de choc partisanes.
Roody Edmé