La génération des désastres

Par habitude, nous accueillons, en Haïti, la saison cyclonique avec les mêmes craintes qu’un événement exceptionnel survienne et nous fasse mal. Chaque année, au lancement de la saison cyclonique, gouvernants et gouvernés, aux niveaux local et national, s’accordent quand même quelques instants pour imaginer leur désarroi face à un désastre. Nous avons connu tant de désastres. Et, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi les générations actuelles d’Haïtiens ont subi ce basculement dans la banalisation du drame.

La préparation pour faire face aux menaces est sans nul doute l’effort de trop que la population, qui attend légitimement la manifestation du bon sens des autorités, refuse de consentir.

Par habitude également, la Direction de la protection civile (DPC), agence gouvernementale dédiée à la protection de la population contre toutes sortes de menaces a livré, ce 1er juin, les détails de son plan de contingence pour la saison cyclonique 2022 : « la réhabilitation des abris d’évacuation, l’élaboration des cartes multirisques et le développement de son système d’information géographique en y ajoutant de nouvelles données permettant de localiser des bâtiments critiques, tels les centres d’opérations d’urgence et les abris provisoires sur l’ensemble du territoire ».

À cette occasion, il faut avoir une pensée spéciale à la défunte Yolène Surena, cette compatriote-sœur qui a consacré toute sa vie professionnelle à convaincre les Haïtiens de la nécessité de réduire leur vulnérabilité aux menaces naturelles multiples. Dr Surena, avec son équipe du Projet d’urgence de gestion du risque et des désastres (PUGRD), avait travaillé, comme une forcenée, pour améliorer la connaissance et la compréhension du risque et des menaces naturels multiples en Haïti. Supporté notamment par la Banque mondiale, ce projet a permis d’élaborer l’essentiel des outils nécessaires pour la gouvernance du risque en Haïti. C’est elle qui disait, aux acteurs et partenaires du secteur, qu’insister auprès de la population pour qu’elle développe une culture de la prévention du risque est une question d’humanité, mais aussi de responsabilité. Docteur Suréna a fait avancer la connaissance du risque en Haïti. Elle s’en est allée et nous pleurons son départ. À nous de continuer à aider la population à se soustraire des conditions systémiques de fragilité du pays.

La saison cyclonique 2022 sera vraisemblablement plus active que la moyenne. Pas moins de 4 ouragans majeurs sont prévus sur les 21 systèmes cycloniques, au moins, cette année. Avec, la dégradation de l’environnement, le mauvais état des bassins versants et l’obstruction des canalisations urbaines par toutes sortes de décombres, peu importe son intensité, une averse peut potentiellement causer des inondations sévères, voire occasionner des pertes de vie humaine.

Et, ce n’est qu’une partie des menaces. Les autres tiroirs sont remplis : aléa sismique, famine, kidnapping, instabilité politique, etc.

 

La Rédaction

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