Morts et oubliés

Depuis plusieurs décennies, utopistes et extrémistes confondus s’accrochent à l’idée, de plus en plus floue, de construire une société haïtienne humaine capable de garantir, bon gré mal gré, le bien-être de toute la collectivité.  L’envie, pour le  moins attrayante, est là. En réalité, il s’agit d’une stimulation intellectuelle, car rien ne prouve que nous ayons envie de nous donner la capacité de configurer l’avenir à l’aune de nos présents échecs.

À la lumière des évènements meurtriers de ces dernières semaines, ce n’est pas prendre un risque que de douter de la part d’égoïsme dans ce projet de bâtir une société.  Il semblerait que seuls les discours, les braillements, les menaces des acteurs politiques tiennent. Entre temps, ces héros de la République, entravés dans leurs stratégies de communication et de positionnement, ne peuvent pas regarder au delà de l’aire du Champ-de-Mars pour empêcher, voire dénoncer, la mort stupide et trop facile d’Haïtiens. C’est comme si le chic était de réduire l’avenir du pays à l’envie de gérer moins de 100 kilomètres carrés sur les 27000 et plus de son territoire.

Certaines fois, le besoin n’est pas de dénoncer simplement les corrompus, mais aussi les aveugles. Il appert que c’est profondément malhonnête de faire semblant d’oublier tous ceux qui meurent silencieusement loin des salles de rédaction et des très agaçants, certaines fois, « lives » d’informations sur les réseaux sociaux.

De tout temps, il n’y a jamais eu de mots assez fidèles et justes pour raconter la mort prématurée et insupportable d’une personne rendue vulnérable par la méchanceté et l’incompétence des autres. Dans certaines régions du pays, particulièrement le Nord-Ouest, les gens qui ne peuvent pas se remplir le ventre de boue séchée et de mangues « wòwòt » bouillies meurent de faim en temps de sécheresse. Et, à la saison des pluies, ils périssent dans les inondations ou sont emportés par les coulées de boue. De tout temps, ces populations ont été exposées à des phénomènes climatiques extrêmes qui font plus de morts que l’insécurité dans les grandes villes, la Covid-19 et les violences domestiques.

Ce n’est pas fort de café d’affirmer que les autres, planificateurs de la société haïtienne humaine, n’ont rien compris au film. En vérité, il n’y a pas que les morts dans le voisinage des ambassades, du Palais national et des puissants médias qui comptent.

Pour construire la société de demain, il nous faut des élections, des transitions ou une nouvelle constitution, selon nos moyens et nos envies, pour renouveler le personnel politique, mais on doit se résigner à accepter que la vie de chaque Haïtien est importante.

Dans l’Haïti de demain, il serait important, de considérer que les Haïtiens, présidents, militants ou enfants de rue, devraient être protégés des balles, des inondations, des violences domestiques, des accidents, de la méchanceté et du cynisme.

 

La Rédaction

 

 

 

 

 

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