Ils brandissent les machettes

En Haïti, et sûrement dans d’autres régions marginales de la terre, la différence entre chrétiens (disciples du Christ de type évangélistes) et ceux qui ne le sont pas est attisée par les bergers, pasteurs et assimilés. Ce clergé, par la force de la pédagogie pastorale et la profusion des menaces de l’enfer, a toujours essayé de garder les fidèles loin du « monde » en développant un rapport privilégié avec la morale conditionnée par les préceptes bibliques.

 

Pour de nombreux observateurs et de spécialistes des faits religieux, l’église est une communauté de personnes placées sous la protection efficace de Dieu et aussi investies de la responsabilité de défendre, par l’exemple, les desseins de Dieu comme : l’amour du prochain, la paix et la compassion. Certains iront même jusqu’à affirmer que les chrétiens, par leurs comportements, leurs expériences dans la résolution des conflits et leur mépris de la luxure, sont les derniers remparts de la société évitant ainsi qu’elle se disloque.

 

Comme les chrétiens affirment croire sur parole, nous sommes aussi tentés de les croire malgré la pertinence des faits historiques alimentés par la sauvagerie des croisades, le cynisme d’un système économique et la cooptation à l’excès avec des prédateurs de toutes sortes de libertés.

 

Mais il semble que l’église en Haïti ait été amenée progressivement à renoncer aux vertus du pacifisme. Pour cause, ces dernières semaines, les bandits, faisant fi des garanties de protection offertes par Dieu, kidnappent, assassinent des fidèles, plusieurs fois jusque dans les lieux de culte. Et, certains pasteurs ont compris que face à l’atrocité des bandits et l’impuissance des forces de l’ordre, il n’est plus décent de demander aux fidèles de croiser leurs bras, de prier dans l’espoir d’être épargnés.

 

Les chrétiens vivent dans la peur comme la grande majorité des Haïtiens et sont aussi exposés à la possibilité de prendre les armes pour assurer leur défense et celle de leur communauté de foi. Sachant que les pasteurs ordonnent, généralement, au lieu de conseiller et que les ordres qu’ils transmettent viennent de Dieu, il est fort à craindre un affrontement entre bandits et fidèles. Car, comme l’a écrit Jean Giono dans la préface des « Carnets de Moleskine » de Lucien Jacques : « Quand on n’a pas assez de courage pour être pacifiste, on devient guerrier ». Il est vrai que, pendant la guerre 14-18, Lucien Jacques, jeune poète mobilisé comme brancardier au 161e régiment d’infanterie de l’armée française ne voulait pas « mourir comme un bétail ». C’est ce qui nous guette. C’est ce qui menace les vodouisants. C’est  ce qui est promis aux chrétiens.

 

Être des guerriers, c’est se préparer à la guerre civile. Être pacifiste, c’est accepter la mort sans geindre. Des deux côtés, la bêtise est énorme et infinie. Les acteurs politiques doivent enfin saisir l’ampleur de la menace et éviter que le chaos actuel trouve son épilogue dans un bain de sang. 

La communauté internationale trouvera toujours l’officiel assez facétieux pour venir poser « byen chèlbè » avec la petite flotte de véhicules. Don des États-Unis d’Amérique. C’est tout ! Ce produit ne doit pas être ni vendu ni échangé.

Jean-Euphèle Milcé

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