L’inflation a atteint en Haïti un niveau record qui fait craindre le pire. Le prix des produits de première nécessité ne cesse d’augmenter alors que, dans le même temps, le pouvoir d’achat se dégrade. Partout dans les marchésse joue un drame quotidien : des acheteurs déambulant comme des fantômes devant des produits qui leur sont interdits en raison de leurs prix prohibitifs .
Une crise alimentaire grave menace les habitantsd’une capitale déjà fragilisée par une insécurité qui s’aggrave tous les jours. L’impuissance gouvernementale est patente, ce qui a rendu d’autant plus « lunaire » le discours bilan du Premier ministre Ariel Henry aux prises avec une crise à volets multiples.
Le cheval de bataille du chef de l’exécutif de facto demeure la lutte contre l’insécurité et l’organisation des élections. Le Conseil des ministres a voté des primes spéciales pour les agents des corps spécialisés blessés ou tombés au champ d’honneur. Or, plus le temps passe, plus ce sera difficile de venir à bout des bandes armées « métastasées » dans tout le corps social. On parle aujourd’hui de plus de trois cents bandes armées ceinturant la zone métropolitaine quand elles ne sont pas installées au cœur de la ville.
La dynamique actuelle est en faveur des bandits qui multiplient leurs actions dans nos rues apeurées. La Police nationale attend des équipements qui, aux yeux du citoyen lambda impatient, semblent de plus en plus chimériques.
Les amis d’Haïti veulent bien soutenir les forces de sécurité. Pour le moment on ne parle que de formation pour les unités spécialisées. Les formateurs américains devaient commencer la leur au mois de février. On attend encore, affirme une source proche des opérations de formation. Une équipe de huit formateurs et de quatorze spécialistes anti-gangs devront bientôt aider nos policiers à être plus aguerris.
Le temps ne joue pas non plus pour la formation gouvernementale toutes tendances confondues. Les négociations qui ont débuté il y a quelques jours se sont arrêtées. Forte de son bon droit et surfant sur un bilan gouvernemental désastreux, l’oppositionn’a pas pour autant meilleure posture. Les deux parties deviennent, de fait, co-responsables d’une crise pour laquelle elles sont impuissantes à trouver des solutions viables.
Entre-temps, la population haïtienne est victime d’un siège insupportable qui augmente le nombre des patients souffrant de stress ou de problèmes cardio-vasculaires.
Le nombre de réfugiés internes grandit à un rythme exponentiel et des camps de fortune sont érigés un peu partout comme au temps du séisme. Nos partenaires étrangers se déclarent confiants dans une résolution de la crise, pendant que sur le fait nombre d’entre eux et de nationaux abandonnent un « navire » qui prend de l’eau partout.
Il est encore possible de trouver une solution haïtienneàcet imbroglio infernal si les parties en présence acceptent de négocier de bonne foi sur le fond de la crise institutionnelle, sécuritaire et alimentaire. La gouvernance est certes aussi une condition critique, mais elle doit être abordée de manière pragmatique.
Roody Edmé