De l'éducation à la mer pour retenir les vagues de migrants haïtiens ?

Des efforts sont certainement en cours, des actions sont déjà initiées, dans le bon sens, entre le projet de loi portant sur le Code maritime et de navigation sous la présidence de Jovenel Moïse, certaines des initiatives entreprises par le Service maritime et de navigation d'Haïti (SEMANAH), des contributions importantes apportées par certains acteurs du système éducatif haïtien et d’autres initiatives isolées venant de certains acteurs importants de la société civile, sans oublier la dernière production audiovisuelle à date sur le sujet, venant du cinéaste haïtien Arnold Antonin.

Derrière toutes ces activités prenant la forme de programmes, de projets, ou de propositions, il manque terriblement l’implication des opérateurs importants et incontournables pour la grande révolution culturelle haïtienne, qui doit nécessairement passer par la mer. Cette ultime richesse qui sommeille sur nos côtes, entre les embouchures, les ports, les plages, les falaises et les dépotoirs qui donnent forme au littoral.

De l’expert Jean Marie Théodat, dans la publication titrée : « Haïti et la mer: une insularité ambiguë », on retient ceci: « Haïti se caractérise par la prédominance d’un peuplement littoral et par la faiblesse des activités maritimes dans l'économie locale. L’histoire explique en grande partie ce paradoxe, puisque la population de l'île n’est pas composée de marins, mais de descendants d’esclaves qui travaillaient dans les plantations de canne à sucre. ».

Devant un tel constat, aussi contrastant qu’il soit, il nous faut, plus que jamais, lancer de nouveaux chantiers dans cette mer des Caraïbes qui nous entoure, pour tenter de retenir l’espoir, et les vagues des migrants constituées des familles haïtiennes qui veulent à tout prix laisser cette terre devenue trop infertile ou même mortelle.

De la faiblesse des activités maritimes dans l'économie locale, voilà le maître mot, le point central qui dit tout et pourrait servir de courant pour faire fonctionner le prochain logiciel que le système éducatif devrait placer dans le cerveau des prochaines générations d’Haïtiens. Quelles sont les activités possibles à initier autour de la mer ou dans l’espace maritime haïtien ? Des activités économiques autour de la mer pour faire quoi ?

Du sol soyons seul maître…il faudrait penser à modifier ce couplet dans les années à venir, pour pouvoir étendre l'autorité politique, l’imaginaire collectif et la vision citoyenne autour de l’espace maritime haïtien, qui, à défaut d'être exploitée par les institutions et entreprises au profit du pays, est utilisée de façon illégale et informelle en permanence par d’autres États voisins et des opérateurs comme au temps des pirates de la Caraïbe.

Des activités autour de la mer sont à initier en toute urgence dans le pays. Des expérimentations dans des villes côtières stratégiques ne peuvent pas se limiter à l’organisation des journées récréatives sur les plages. Il nous faut ajouter des gouttes de créativité dans cette sombre mer qui se résume à la navigation pour l’importation des produits et des marchandises, en dehors de quelques activités de pêche artisanale, de cabotage et touristiques.

Dans l'impossibilité de réinventer la roue, les autorités politiques et les acteurs économiques du pays devraient s’entendre pour définir un nouvel agenda autour de la mer. Cette mer qui nous entoure et qui attend depuis plus de deux siècles dispose des trésors à la fois enfouis dans ses profondeurs, mais aussi bien visibles à travers chacune des vagues. Il est venu le temps pour nous de prendre le temps d’observer, d'apprécier et de répertorier l’ensemble des activités maritimes les plus lucratives, les plus innovantes et les plus récréatives qui se font dans les autres pays voisins et dans d’autres continents, pour les appliquer, les reproduire ou les réadapter dans l’environnement maritime et culturel haïtien.

Dans la mesure que la merest pratiquement la même partout, en dehors de certaines considérations spécifiques (géographiques, scientifiques et mythiques) confirmées par certaines parties du Globe terrestre et de l’espace maritime, l’État central et l’ensemble des collectivités territoriales, touchées de près ou de loin par la mer, devraient pouvoir se lancer dans une nouvelle course pour l’exploration intelligente et l’exploitation responsable et durable des opportunités de la mer.

Dans le but d'éviter aux dirigeants haïtiens de chercher à combler la mer en lançant des pierres contre les vagues, ou de vouloir compter ces dernières, la traditionnelle Journée mondiale de la mer, commémorée depuis quelques années le 30 septembre, devraient pouvoir les inviter à mieux comprendre les nouveaux défis qui accompagnent la mer, en tant que ressources naturelles stratégiques sur le plan géopolitique, diplomatique, économique, scientifique, éducatif et culturel.

Des rares institutions publiques, économiques et politiques qui disposent encore de leur siège non loin du littoral de la capitale haïtienne, en passant par d’autres grandes villes côtières du pays, comme le Cap-Haitien, Jacmel, les Cayes, Miragoane, Gonaives, Jeremie, Fort-Liberté, il nous faut apprendre aux familles et à leurs enfants, l’alphabet de la richesse maritime. A quand un premier ouvrage sur l'éducation maritime en Haïti ? Comment sensibiliser l’intelligence collective autour des connaissances, des compétences, des comportements, de la culture et de la créativité liés à la mer ? Cette riche mère naturecapable de nourrir et de retenir ces professionnels et ces familles qui vont se tuer ou se faire humilier dans les rivièresdes autres pays, en quête de mieux-être ! Pour une éducation de la mer et du littoral, pour mieux s’approprier des pouvoirs de la mer en Haïti, et sortir la population de cette misère préfabriquée !

Dominique Domerçant

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