L’odeur du soufre !

Ces derniers temps nous vivons dans le pays des scènes rocambolesques dignesde la fiction. Entre l'exécution sommaire d'un citoyen par des bandits dans l'Artibonite et l'intrusion d'un groupe de bandits armés dans une église, en plein service, à Croix-des-Bouquets pour enlever un inspecteur de Police puis l'assassiner, la réalité en Haïti dépasse largement la fiction. Dans les deux cas, ces scènes de violence ont été filmées et diffusées par les malfrats.

Comme le groupe musical Kai l'a si bien chanté, noupamounankò. Oui. On est devenu insensible même devant les violences les plus inouïes. Plus de conscience citoyenne. Et, la société est tombéedans une léthargie déconcertante. Des événements humiliants, indignes des sociétés modernes qui auraient dû sonner le glas de la révolte populaire sont passés dans l'opinion comme des faits insolites très utiles aux usagers de Tiktok.

Vivre en Haïti, ces derniers temps, révèle donc de l'exploit. La peur s'installe dans les esprits et dans les quartiers.Depuis des jours, les habitants de certaines zones de la capitale ont perdu leur sommeil en raison des crépitements de cartouches déclenchés par des bandits armés qui ne sont jamais à court de munitions. Ce qui se passe dans les quartiers populeux annonce le spectre d'une grande guerre fratricide. Cité Soleil, La Saline,Bel-Air, Martissant et La Plaine du Cul-de-sac, sont devenus de véritables champs de guerre où des groupes armés s'affrontent à volonté pour élargir leur territoire ou tout simplement pour le compte des tenants de l'économie criminelle transformée en modèle dans le pays.

L'insécurité grandissante qui endeuille et tue tous les espoirs dans le pays fait le bonheur des contrôleurs de l'économie criminelle. Le kidnapping, la drogue, le trafic d'armes sont des éléments constitutifs de cette économie qui rapporte gros aux entrepreneurs. Le dossier de trafic d'armes à Port-de-Paix a mobilisé les gros moyens. Selon le RNDDH, pas moins de 200 mille dollars américains ont été débloqués juste pour libérer les deux personnes arrêtées dans le cadre de cette affaire. D'autres personnes auraient été aussi soudoyées pour empêcher la fouille du bateau. C'est un marché juteux !

Alorsque les mafieux de tout poil cherchent à maximiser leurs capitaux dans ce cafouillage où l'État perd le contrôle de tout, la situation n'a jamais été aussi intenable pour la population. Entre la cherté de la vie et l'insécurité grandissante se dresse la réalité du peuple haïtien. Comme une odeur de soufre, la misère au même titre que l'insécurité se fait sentir dans la chair de chaque Haïtien.

Avec les gangs qui empêchent la libre circulation des marchandises et denrées agricoles sur tout le territoire, la crise du carburant, une inflation autour de 28 % et le dollar américain qui s'apprécie quotidiennement, les ménages haïtiens, notamment les petites bourses, éprouvent d'énormes difficultés à joindre les deux bouts. Les prix des produits pètent le plafond. De nos jours, manger à sa faim est devenu un véritable luxe dans le pays.

Certaines entreprises ruinées par l'insécurité sont obligées de faire le dépôt de bilan, renvoyant ainsi dans le chômage leurs employés. Malheureusement, les autorités en place, dépassées par la force des choses,  n'arrivent même pas à nous faire rêver. Les jeunes, véritable force motrice de la société, se projettent vers d'autres horizons plus cléments. Ils bravent, au péril de leur vie, tous les dangers pour laisser cette terre, pourtant si riche, mais tellement appauvrie.

C'est donc un véritable cocktail explosif qui nous guette, surtout avec la dégradation au point zéro des conditions de vie de la population qui pendant longtemps prend son mal en patience. Elle n'en peut plus maintenant. Le gouvernement et les acteurs politiques, toutes tendances confondues, doivent s'atteler rapidement à la tâche pour dénouer la crise et donner une bouffée d'oxygène au peuple haïtien, sinon on risque de connaitre un soulèvement populaire. «Tout bètjennenmòde», dit-on en créole.

 

Noclès Débréus

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