France : le désespoir a une couleur !

Lorsque les premiers manifestants en gilets jaunes apparurent dans les rues de France, nul ne pouvait s’imaginer que le mouvement allait avoir une telle ampleur. La France est connue pour un pays ou le corps social est traversé par des éruptions saisonnières. Les syndicats de cheminots ou d’enseignants, les associations d’étudiants ont toujours tenu la dragée haute aux pouvoirs publics, toutes les fois qu’une décision était prise sans concertation, et que le dialogue social se transformait en un monologue des décideurs politiques.

Lorsque les premiers manifestants en gilets jaunes apparurent dans les rues de France, nul ne pouvait s’imaginer que le mouvement allait avoir une telle ampleur. La France est connue pour un pays ou le corps social est traversé par des éruptions saisonnières. Les syndicats de cheminots ou d’enseignants, les associations d’étudiants ont toujours tenu la dragée haute aux pouvoirs publics, toutes les fois qu’une décision était prise sans concertation, et que le dialogue social se transformait en un monologue des décideurs politiques.

Le mouvement des Gilets jaunes qui a entamé son quatrième weekend de revendication présente cependant des particularités tout à fait nouvelles. Tout a commencé avec des protestations contre une taxe sur l’essence qui menaçait de crever le budget des ménages des classes moyennes. Spécialement celles qui habitent la grande boucle autour de la capitale parisienne. Telle une traînée de poudre, la contestation a gagné la France profonde. Cette taxe sur le diesel est censée aider à réduire la trop grande consommation d’un gaz à effet de serre. Sauf que, comme le répètent les manifestants, « la fin du mois est plus proche que la fin du monde ». La détermination des premiers manifestants a eu un effet boule de neige et la contestation s’est faite chaque fois plus forte et plus radicale.

Le carburant a été comme un détonateur qui a fait exploser un sentiment latent d’injustice. La suppression en partie de l’impôt sur la fortune a attisé le malaise social. Les contribuables des classes moyennes ont la sensation de payer une note salée pour entretenir le mode de vie de ceux d’en haut.

Désormais, dans les rues de France défilent tous les samedis, des salariés, des indépendants, des patrons de PME. En dépit du retrait de la fameuse taxe, un ras-le-bol généralisé semble avoir remplacé les revendications spécifiques. Un esprit insurrectionnel anime certains manifestants qui s’en prennent même aux symboles d’une République qu’ils estiment inégalitaire. La fracture sociale s’est creusée de manière profonde, et la France aujourd’hui déborde de passion.

Le mouvement n’a pas de fil rouge idéologique. C’est un pot-au-feu où l’on fait bouillir tous les ingrédients qui ont nourri depuis des années la colère sourde des laissés pour compte de la mondialisation. Les quinquennats de droite comme de gauche se sont succédé et les fondamentaux de la crise économique n’ont pas beaucoup changé. Et pour comble de malaise, tels des astéroïdes, les leaders du Front national, Jean Marie Le Pen et sa fille Marine, sont entrés par effraction dans l’orbite du pouvoir et ont frôlé la présidence de la République. L’élection du président Macron était déjà considérée comme une forme de rupture avec les partis de l’establishment. Le slogan ni droite, ni gauche avait fait recette. Le pouvoir français se parait enfin des habits neufs d’une technocratie qui se voulait à visage humain. L’espoir est cependant vite retombé. L’onde de choc des manifestations est proportionnelle à la déception de ceux qui avaient porté le candidat Macron au sommet de l’Olympe.

S’ils refusent toute forme d’affiliation politique, il n’est pas rare de voir défiler chez les Gilets jaunes des militants venus de tous les horizons idéologiques. Certaines personnalités politiques en perte de vitesse ont vite fait de se présenter sur les plateaux de télévision pour faire chorus aux revendications de la rue, et ainsi se refaire une santé politique. Certains manifestants qui réclament la démission du Président proposent des formules inédites comme son remplacement, tenez-vous bien, par un ancien militaire, le général Philippe De Villiers qui vient, par le plus grand des hasards, de sortir un ouvrage au titre évocateur : « Qu’est-ce qu’un chef ? ». De là à penser à un retour d’une forme de « Boulangisme », il n’y a qu’un pas. Le général Boulanger, ministre de la Guerre en 1886, a connu une carrière politique fulgurante et pouvait compter sur des soutiens à droite comme à gauche de l’échiquier politique français. Son nationalisme et son charisme achevèrent d’illustrer son aura d’homme providentiel qu’affectionnent les peuples en crise. Mais, ceci n’est qu’une hypothèse parmi d’autres, tant le mouvement est difficilement cernable sur le plan idéologique.

Quoi qu’il en soit le mouvement des Gilets jaunes ne décolère pas. Ils ont en commun avec les Petrochallengers d’Haïti, le fait de ne pas avoir de représentants mandatés par une base protéiforme. Et, cela peut être un avantage. Il reste tout de même le danger de récupération de la part de groupes violents et minoritaires. Et l’on peut craindre dans ce cas comme dans d’autres, l’effet de bascule qui ferait s’effriter une mobilisation qui perdrait au fil des casses le support d’une majorité de Français.

Roody Edmé

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