Et après les manifestations ?

La prise de conscience sur la nécessité d’un renouveau politique en Haïti a connu une brusque évolution ces derniers jours. À l’instar d’une révolte en réseau, des citoyens éparpillés partout dans le pays et dans la diaspora se motivent les uns les autres sur leur devoir de vigilance. La manifestation géante du 17 octobre 2018 située dans le cadre de la mobilisation en faveur de la reddition des comptes autour de Petrocaribe a définitivement prouvé que les choses ont pris une ampleur considérable. Déjà un nouveau mot d’ordre est lancé pour le 18 novembre. Mais jusqu’où cet élan peut-il mener ? Dans un pays comme Haïti où on regrette rarement les gaspillages d’énergie,

La prise de conscience sur la nécessité d’un renouveau politique en Haïti a connu une brusque évolution ces derniers jours. À l’instar d’une révolte en réseau, des citoyens éparpillés partout dans le pays et dans la diaspora se motivent les uns les autres sur leur devoir de vigilance. La manifestation géante du 17 octobre 2018 située dans le cadre de la mobilisation en faveur de la reddition des comptes autour de Petrocaribe a définitivement prouvé que les choses ont pris une ampleur considérable. Déjà un nouveau mot d’ordre est lancé pour le 18 novembre. Mais jusqu’où cet élan peut-il mener ? Dans un pays comme Haïti où on regrette rarement les gaspillages d’énergie,


les inquiétudes de ceux qui prévoient que la montagne pourrait accoucher d’une souris sont justifiées. Le fait que des dizaines de milliers de personnes marchent simultanément dans grandes villes du pays est un cas assez rare dans la vie sociopolitique de ces dernières années. La participation citoyenne étant à son niveau le plus bas, il s’agit d’un exploit de pouvoir amener même les indécis à prendre position dans le débat sur la gestion de la chose publique. L’originalité de cette mobilisation lancée sur Twitter est le caractère quasi insaisissable de son leadership. Toutefois, en l’absence d’un agenda précis, cet élan de civisme, propulsé par les médias sociaux, risque de tomber parmi les vaines tentatives de changer le cours de l’histoire. Tant on s’emploie à éviter que la mobilisation ne prenne les contours d’une bataille politicienne, le manque de préparation menace de générer des effets pervers. À moins que les vrais leaders se cachent du public, il est inconcevable de ne pas envisager les stratégies futures. Car même dans le cas où un procès se lancerait dans les meilleures conditions possible, la faible connexion entre les avocats de la partie civile et les cellules de mobilisation sur les réseaux sociaux risque de compliquer la marche vers un gain de cause. Le leadership collectif qui favorise jusqu’ici le succès de la mobilisation pour le procès Petrocaribe ne pourra pas tenir jusqu’au bout. Du moins, pas au-delà des manifestations de rues. Les hésitations à désigner les avant-gardistes - attitude ayant rapport à une méfiance généralisée et un manque de foi dans la vie associative – devront laisser leur place à une nouvelle dynamique qui puisse déboucher sur un mouvement politique imprégné des valeurs défendues par les Petrochallengers. À quoi bon s’épuiser dans des manifestations contre la corruption si on ne peut pas s’assurer de pouvoir empêcher les malhonnêtes de retourner au pouvoir et de récidiver ? À qui sera confiée latâche de bâtir « la nouvelle Haïti » si on ne maintient pas cet élan jusqu’aux élections ? Les expériences sur le développement boiteux de la démocratie haïtienne pendant les trente dernières années montrent que l’impréparation et les précipitations (pike devan) ont toujours provoqué de graves désenchantements. Les luttes menées pour le changement politique en 1986 ou en 2004 se sont soldées pardes demi-victoires ou de simples gains particuliers. Que l’ère du web 2.0 soit porteuse de bonne nouvelle.
 

Kendi Zidor

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