La leçon afghane

Le dimanche 15 août, la ville de Kaboul tombe aux mains des talibans sans que ces derniers aient rencontré la moindre résistance. Un scénario cauchemar qu'aucun service de renseignement occidental n'avait prévu. Les renseignements américains avaient certes lancé l'alerte sur la corruption et le peu de combativité de l'armée afghane, mais de là à fondre comme du beurre au soleil à l'annonce de l'arrivée des talibans a laissé désemparées les chancelleries occidentales.

Disons tout de suite que sans le support sur le terrain de l'allié américain, le soldat afghan sans motivation et peu concerné par les enjeux géopolitiques de cette guerre ne pèse pas lourd face à des militants talibans aguerris après avoir combattu les Russes et les Américains pendant plus d'un demi-siècle. On comprend dès lors que l’armée afghane comptant plus de 200.000 hommes ait été « désarmée » face à environ 85.000 talibans déterminés. De plus, ces « étudiants en théologie » sont convaincus qu'ils mènent une guerre sainte contre des « suppôts de l'empire américain ».

Ce qui sidère l'opinion publique occidentale ce sont les coûts humains et matériels d'une guerre inutile. Si, au départ, les Américains ont su traquer Al Quaeda dans son antre afghan, abattre le « symbole » vivant des attaques du 11 septembre, Ousama Ben Laden, et éliminer d'une frappe de drone le mollah Oumar, cogérant de l'organisation terroriste, le retour des talibans à Kaboul sonne comme une amère revanche des guerriers de la montagne. Ces barbus qui semblent sortis d'un autre âge, tels des « fantômes », ont émergé des grottes et du sable pour faire tomber en une semaine des provinces importantes du pays et le cœur d'un pouvoir que l'on croyait hyper protégé.

Cette chute s'est faite dans un chaos indescriptible où l'on a vu des milliers de gens s'accrocher à des avions américains parés pour le décollage. Ce départ consenti par les Américains prend dès lors sous les caméras du monde entier l'effet d'un abandon immoral de leurs alliés à « l'ogre » taliban.

Il est vrai que les nouveaux maîtres de Kaboul font tout pour lisser leur image. Ils annoncent qu'il n'y aura pas de sanctions contre les « collabos » et que les femmes ne seront guère persécutées. Elles pourront faire carrière et poursuivre leurs études en respectant la...charia.

Mais si les conférences de presse des talibans projettent une image purgée des clichés moyenâgeux qui leur collent à la peau, les nouvelles d'arrestations ou même d'exécutions de certains officiers de l'ancien régime, rappellent tristement leur dernier passage au pouvoir.

Le président Joe Biden, qui avait annoncé en grandes pompes le retour de l'Amérique dans les affaires du monde, laisse malgré lui une piètre image de la politique étrangère américaine. Il est vrai qu'il avait les mains liées par un accord signé avec les talibans par son prédécesseur Donald Trump dont l’une des clauses comportait justement le retrait unilatéral des États-Unis du territoire afghan. D’où ce fiasco retentissant qui consacre un nouvel effondrement de la politique américaine dans cette région du monde. Dans un article paru le 18 août dernier, le quotidien belge « Le Soir » n’a pas hésité à comparer le cas d’Afghanistan avec celui d’Haïti, considérés comme « deux visages de l’échec américain ».

On peut dire que Donald Trump a légué à son successeur un cigare allumé par les deux bouts qui risque de mettre le feu à son mandat.

Roody Edmé


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