De Manhattan à Martissant : des passeports obligatoires !

Dans la presse internationale, plusieurs titres annoncent pour bientôt la création d’un passeport sanitaire ou vaccinal (virtuel) pour la ville de New York afin de juguler le Coronavirus.

Du journal La Presse au Canada, on retient: « New York, première ville du pays à créer un passeport vaccinal ». Ce document qui portera le nom de « Key to NyCpass », exigera au moins une dose de vaccins pour les salariés et les clients des restaurants en intérieur, des salles de sport, de spectacle. « Il fera ses débuts le 16 août et, après une période de transition entrera en vigueur de façon officielle le 13 septembre», selon la presse canadienne.

Du maire de New York, Bill de Blasio, elle nous rapporte: « Si vous voulez participer pleinement à notre société, vous devez vous faire vacciner. Il est temps ». Pour poursuivre: « Le seul moyen de fréquenter ces établissements est d’être vacciné au moins une dose. De même pour les personnes qui travaillent, elles devront recevoir au moins une dose».

Décrit comme le coeur de la ville de New York, par ses grattes-ciels, ses innombrables activités économiques et touristiques, et ses dimensions multiculturelles, le quartier de Manhattan vient toujours à l'idée de plus d’un dès qu’on fait référence le plus souvent à cette région cosmopolite des États-Unis.

Déjà deux décennies, 11 septembre 2001- 11 septembre 2021, depuis New York, et surtout le quartier de Manhattan avait été mis à genoux, avec les attentats contre les deux tours du World Trade Center. Un événement dramatique qui allait réveiller la conscience mondiale. Si la date du 11 septembre, bien avant l'année 2001, avait à plusieurs reprises été une journée de deuil en Haïti, la journée du 11 septembre 2001, avait un lien direct avec les États-Unis en Haïti, avec la cérémonie d’inauguration du centre de formation technique et professionnelle Haïti Tec, réalisée ce matin-là, pendant que se déroulait les attentats. Dire que ce centre de formation avait bénéficié du financement de plusieurs institutions internationales, incluant l’American Airlines.

De Manhattan qui se protège contre le pire et se prépare à commémorer son premier drame séculaire, à Martissant, cet ancien paisible et beau quartier jadis situé dans le sud de la capitale haïtienne, qui ne peut plus protéger ses habitants, encore moins proposer la route nationale comme un axe important dans la circulation des êtres et des biens, Haïti, confirme avec pitié ses limites dans la crise humanitaire actuelle et la catastrophe qui prennent forme dans le décor.

Désormais, pour aller secourir les compatriotes du Grand-Sud, durement touchés, par le double impact d’un séisme et d’un ouragan, il faut traverser le quartier de Martissant en Haïti. La zone est tellement dangereuse qu’on se permet d’imaginer que les citoyens et citoyennes paisibles, les familles (contraintes de se réfugier ailleurs), les habitants du quartier comme les passants, les automobilistes, les passagers, les commerçants et les professionnels qui fréquentent la zone, doivent absolument disposer d’un passeport.

De quoi est fait ce passeport, sésame obligatoire pour traverser la zone de portail Léogâne, Martissant et d’autres villes situées au nord de la capitale comme Croix-des-Bouquets ? Contrairement au passeport sanitaire qui sera utilisé bientôt aux États-Unis, les Haïtiens doivent disposer d’un passeport sécurisé non encore défini officiellement par les autorités, mais certainement fonctionnel.

C’est un document qui s’obtient par la foi et à l’aide des croyances dans le monde invisible. Seules les personnes désespérées et les plus braves peuvent se procurer de ce passeport sécuritaire, en traversant le quartier de Martissant. Les plus têtus comme une infirmière au moins, plusieurs chauffeurs, des professeurs, des écoliers et des professionnels, contraints d’aller travailler, et des commerçants, des passagers clandestins comme le bébé dans le ventre de sa mère, ont déjà payé de leurs vies pour avoir osé traverser les nouvelles frontières de ces territoires interdits.

De la représentation du profil économique et social, en passant par le langage populaire des rues, les croyances démesurées dans la foi « Bon Dieu Bon », « Jezilavimwen nan menw », « Letènèl ou devanmwendèyèw », Jezisovem », suivant l'appartenance religieuse ou ses connexions mystiques les plus profondes en termes de protection, le passeport de l’Haïtien d’aujourd’hui, prendra la forme du temps qui passe, de l'indifférence des institutions qui devraient protéger et servir la population, et les couleurs la « chance » de traverser Martissant, sans y être victime !

De Manhattan à Martissant, pratiquement deux quartiers opposés, dans l’histoire parallèle de deux pays qui se complètent entre l’histoire et les déboires partagés, et les couloirs humanitaires obligatoires à réinventer. Trop de martyrs et de sang coulé inutilement, en attendant la manne à temps des sauveurs qui doivent reprendre le contrôle de ces quartiers. Un passeport sécuritaire et humanitaire pour chaque personne et famille qui vivent en Haïti, il faudrait bien l’inventer pour justifier l’existence ou l’importance de la population haïtienne perdue dans la migration et prise au piège de la mondialisation.

Dominique Domerçant

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