Nos leaders et le créole

La lecture de certaines communications en créole des acteurs politiques, non seulement a tout pour surprendre, mais choque absolument. Autrefois, les communicateurs politiques, en cherchant à se rapprocher du peuple ou à s’inscrire dans une culture classique du populisme, avaient compris qu’il était risqué de ne pas le faire en créole, langue parlée et comprise par toute la population. Cela a fait un bien fou puisque les formules ampoulées, utilisées comme des paravents blindés, avaient disparu du discours politique. Quoique la langue ne fût pas assez forte pour omettre les mensonges et les promesses farfelues, elle permettait, cependant, à tous de comprendre et d’assimiler les messages. Pour voter, il faut au moins pouvoir se faire une représentation même imaginaire du candidat qui sollicite l’adhésion populaire.

Les temps, comme une girouette capricieuse, ont bien changé. Désormais, la communication politique en Haïti, qui subit la dictature des réseaux sociaux, n’est plus un concentré de baragouin en français pour troubler les esprits et entretenir la confusion. À l’heure actuelle, il faut dégainer rapidement et parler vite pour éviter d’être pris de court par les autres concurrents. Pour la plupart des acteurs politiques, même les plus modestes et obscures d’entre eux, grâce à Facebook, Twitter et autres plateformes de communication numérique, ils ont le pouvoir de rendre accessibles à tous leurs annonces publiques. Pour tous ceux qui s’estiment sevrés des tribunes officielles ou les somnambules qui préfèrent communiquer en pleine nuit, les réseaux sociaux offrent l’opportunité de poster un discours franc, direct et accessible sans retenue. Et, les likes, les partages et les commentaires sans filtre font le reste.

Pourtant, la douce jouissance des réseaux sociaux a, cependant, ses revers. Le petit nombre de caractères permis est la principale estampille de ces nouveaux médias. Mais, il faut aussi prendre en compte la vitesse de livraison des messages et la nécessité de dire vite et bien sans crainte que le message soit parasité ou incompris. En Haïti, celui qui veut se faire comprendre en peu de temps s’exprime en créole. Mais, communiquer dans la langue créole c’est aussi l’écrire. Ce qui provoque des cas de distorsion dommageable dans la graphie d’une langue qui est utilisée par toute la population, mais qui est surtout enseignée dans les écoles haïtiennes depuis quatre décennies. Or, il importe, à notre avis, que les acteurs politiques se ridiculisent en réduisant en simple caricature une langue qu’ils devraient enrichir et protéger.

Pour le mois de juillet 2021, deux perles twittées par deux acteurs politiques de premier plan, donc présidentiables, ont retenu l’attention. C’est tout un mépris du système éducatif haïtien et des travaux de l’Académie du créole haïtien qui apparaît. On notera comment nos leaders sont à des années-lumière de leurs responsabilités. Aussi, on aura compris que les communications politiques peuvent agacer.

Toutes affaires hautement politiques mises à part, il n’est pas évident d’aimer sa laideur, faudrait-il déjà la percevoir.

Jean-Euphèle Milcé

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