Que faire du pouvoir de la musique en Haïti ?

Des femmes crient au secours. D’autres pleurent leurs enfants. Des survivants fuient leurs quartiers et vont jusqu’à se retrouver sur les places publiques ou s’entasser dans des abris de fortune.

Dans certaines régions d’Haïti, particulièrement celles situées le long de la côte, côtières, ce sont des hommes et des femmes, accompagnés parfois de leurs enfants, qui s’organisent pour laisser le pays par tous les moyens. Comme pour affronter les dieux de la mer, les navires marchands, les patrouilles militaires maritimes et aériennes, et les satellites qui surveillent en permanence les frontières des différents pays de la région.  

Des chansons engagées, comme « Yo » de Tabou Combo, continuent sont de plus en plus actuelles, plus de deux décennies après. Plusieurs autres compositions, parmi les plus inspirantes, les plus socialisantes et les plus engagées, comme celles qui portent la voix de Manno Charlemagne, de John Steve Brunache, entre autres, proposent des refrains et des remords qui illustrent si bien la réalité actuelle. Que reste-t-il du pouvoir de la musique en Haïti, en dehors de la saison des artistes officiels ou des musiciens au pouvoir ?  Comment les médias du pays devraient-ils faciliter la diffusion des chansons non pas qui dénoncent surtout, mais qui réconfortent et responsabilisent les citoyens et les familles ? 

Dommage qu’elles ne soient pas inscrites dans les répertoires de la génération actuelle. Dommage qu’ils sont certainement plus nombreux et encore trop jeunes, les animateurs et responsables de programmation dans les médias traditionnels qui méconnaissent totalement les saisons de la dictature des Duvalier et de l'après 1986, pour ne pas se laisser entraîner dans des chansons et des tons qui rappellent trop d’horreur, des pleurs et des douleurs dans beaucoup de coeurs.

Dans la situation actuelle que connaît Haïti, si tout le monde n’est pas directement responsable dans le délabrement des institutions et la déshumanisation de la société, il faudra reconnaître que tout le monde à sa part de contribution à apporter dans ce chaos social, pour tenter de sauver le navire collectif.

Dans la liste des secteurs les plus importants et les plus influents, on ne saurait négliger l’apport significatif des acteurs culturels, notamment des artistes, créateurs et animateurs dans toutes les tendances confondues.

Dans ce regroupement des créateurs haïtiens, évoluant tant dans la diaspora que dans les différentes villes en Haïti, et même des régions les plus reculées, isolées ou enclavées, on ne saurait négliger le poids symbolique, et l’influence affirmée des talents qui évoluent dans les secteurs de la musique, notamment les musiciens, chanteurs, interprètes parmi les plus célèbres.

Des groupes musicaux, de toutes les tendances confondues, ont pratiquement leurs mots à dire dans la réalité critique actuelle en Haïti, non pas surtout pour tenter de décrire les mêmes horreurs ou pour redire les mêmes refrains, slogans et discours creux. Les musiciens sont les mieux placés pour parler à toutes les couches de la population et même de l’international. Les musiciens et chanteurs haïtiens sont en meilleure position pour toucher le cœur du plus grand nombre des acteurs et des décideurs. Les vedettes les plus influentes du moment se doivent de prendre un peu de recul pour penser au sort, à la souffrance, au désespoir des enfants, des jeunes, des parents, des familles et des fanatiques qui s’accrochent à leurs musiques et leurs animations, leurs expressions et leurs agitations jours et nuits.

Différemment des artistes peintres, des photographes et sculpteurs, des écrivains et d’autres talents des arts visuels et de la scène qui font moins d’écho. L’avenir du pays, le réveil de la population et la renaissance de l'âme collective du peuple haïtien sont plus que jamais accrochés aux prochains vers et aux nouveaux refrains, aux tons et aux rythmes qui seront servis comme l’hymne de la renaissance du peuple haïtien dans les jours, mois et années à venir.

Quelles voix seront posées sur ces prochaines compositions, interprétations ou adaptations musicales ? Quels sont les artistes qui vont finir réellement par abandonner ce silence complice envers la tragédie populaire ?  De quel groupe musical haïtien devrait-on espérer le prochain album qui permettra véritablement aux victimes de s’exprimer et de se libérer émotionnellement des souffrances, des soupirs, des souvenirs et du silence ?  Quelles sont les prochaines chansons verticalement engagées et non enchainées à la table des bourreaux qui aideront les familles à sécher leurs pleurs et éviter le suicide collectif en haute mer ? Qui sont les chanteurs parmi les plus créatifs qui sauront comment utiliser leur empathie et leur créativité pour comprendre la réalité des chefs des groupes armés afin de dialoguer jusqu'à sensibiliser ces derniers ?

Du pouvoir de la musique en Haïti, pour quoi faire ? Comme calmant et comme thérapie sociale, comme source de motivation et comme instrument de socialisation, charriant nos plus profondes revendications. Nous devons continuer de rêver, de souhaiter, un jour, que les artistes et les musiciens haïtiens finissent par se réveiller et par se responsabiliser en tant qu’acteurs sociaux et comme vecteurs solidaires à la cause populaire. Il ne faut surtout pas se lasser de rappeler à nos musiciens haïtiens qu’il ne peut y avoir d’industrie musicale sans public !    

Dominique Domerçant   

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