Haïti : signature d’un accord de conciliation pour le sauvetage national

Pour mettre un terme à la crise sociopolitique en Haïti et de travailler à la convocation d’un dialogue inclusif capable de conduire à un compromis historique, un nouvel accord de conciliation pour le sauvetage national a été signé, le mardi 28 janvier 2020, à Djoumbala night-club, par un ensemble d’organisations de la société civile, des secteurs patronal et syndical, des partis politiques, groupements et regroupements de partis. À travers ce document d’accord de six pages, on prévoit notamment des mesures sur le plan politique, économique ainsi que sur le plan de la gouvernance.

Depuis les événements des 6,7 et 8 juillet de 2018, les signataires de ce présent accord disent que le pays connait une période de crise et d’instabilité politique récurrente suivie d’une insécurité démesurée. Partant de ce constat, les partis politiques et organisations de la société civile signataires de ce présent accord proposent à la nation ce qui suit :

I.- Sur le plan politique

Les partis politiques, groupements et regroupements de partis politiques, les organisations représentatives de la société civile ainsi que les secteurs organisés (l’Église, les syndicats, le secteur patronal, les vodouisants, les organisations de femmes, l’université, ect.) et la Présidence doivent s’engager dans un dialogue, sans conditions préalables dans le but de : trouver une issue à la crise qui secoue le pays depuis plusieurs mois ; parvenir à un dialogue inclusif autour des réformes sollicitées par la population au cours des manifestations populaires ; envisager l’opportunité d’une réforme constitutionnelle en vue de l’adapter à l’évolution de la société haïtienne, de satisfaire les revendications des Haïtiens vivant à l’étranger et les nouvelles dispositions des traités et conventions internationaux.

Les signataires de cet accord plaident en faveur de la mise en place d’un Conseil électoral provisoire consensuel en vue d’organiser des élections pour le rétablissement de l’ordre démocratique interrompu. Prendre toutes les dispositions pour accompagner le pouvoir judiciaire en mettant à sa disposition les moyens pour la réalisation du procès Petro Caribe et le procès des différents massacres perpétrés sur les populations de La Saline, de Carrefour-Feuille, de Bel Air, etc. ; mettre en place un Gouvernement de sauvetage capable d’exécuter la feuille de route définie au cours du dialogue consensuel et inclusif.

II.- Sur le plan de la gouvernance

Demandons à nos compatriotes de l’opposition de constater que malgré toutes pressions, manifestations, perturbations de la vie publique et sociale, le président Jovenel Moise est toujours en fonction et continue d’assumer les charges qui lui incombent.

Demandons instamment au président Jovenel Moise de faire le dépassement de soi et le maximum d’ouverture vers les différents acteurs politiques et sociaux en vue de mettre en place un gouvernement inclusif le plus tôt que possible.

Lequel gouvernement devrait avoir à sa tête un homme ou une femme d’ouverture, capable de rallier tous les secteurs vitaux et de faire l’équilibre nécessaire entre les forces politiques et sociales du pays.

2.1- Composition du gouvernement

Ce gouvernement doit être composé de femmes et d’hommes issus des partis politiques, des organisations sociales, de personnalités crédibles de la société civile et du secteur privé des affaires.


2.2- Mission du gouvernement

Rétablir l’autorité de l’État en renforçant les institutions républicaines ;

travailler à la relance de l’économie nationale en mettant l’accent sur :
les infrastructures (routes, ports et aéroports, etc) ; des incitatifs à l’investissement ; l’accompagnement réel du secteur agro-industriel financièrement et techniquement ; la relance de la production nationale ; Consulter les secteurs politiques et sociaux sur l’opportunité de la mise en place d’une nouvelle Constitution.

Rétablir en urgence la stabilité et la sécurité dans le pays ; travailler de concert avec le SNGRS et les mairies, notamment celles de la zone métropolitaine en vue d’assainir les communes du pays et particulièrement l’environnement de la capitale ; mettre à la disposition des mairies les fonds de gestions des collectivités territoriales sans complaisance.

2.3- Politique sociale :

Apporter des solutions aux impacts de la crise sur la santé de la population en améliorant les conditions de travail des institutions sanitaires du pays ; prendre des mesures urgentes en vue de pallier l’extrême pauvreté des familles haïtiennes, surtout celles se trouvant dans l’arrière-pays ; mettre sur pied des projets à haute intensité de main d’œuvre en vue de réaliser des travaux communautaires capables de générer des revenus à la population.

Aussi, il faut professionnaliser et renforcer la Police nationale d’Haïti; consolider les Forces armées D’Haïti afin d’aider à sécuriser la frontière de concert avec l’unité Polifront, en vue de combattre la contrebande, le trafic d’armes illégales, les crimes organisés et le trafic d’êtres humains; renforcer la capacité du corps du génie militaire de concert avec le CNE afin de désenclaver les routes agricoles.

Mettre en place une réelle politique de transport en commun sur tout le territoire national, en créant au sein du ministère des Affaires sociales une entité de transport public pour moderniser ce secteur de concert avec les syndicats et tous les autres acteurs concernés en redynamiser les services de transport en commun par une politique de modernisation des parcs de véhicules en passant par la restructuration des compagnies d’État Service Plus et Dignité.

Il est important de règlementer la prolifération anarchique des taxis moto ayant des conséquences désastreuses sur les usagers du secteur; entrainant l’insécurité routière en augmentant les décès et accidents graves; réduire le train de vie de l’État afin de libérer des fonds d’urgence au profit des programmes sociaux pour améliorer les conditions de vie de la population particulièrement ceux des quartiers populaires.

Renforcer également la Commission nationale de désarmement de démantèlement et de réinsertion (CNDDR) en mettant à sa disposition les ressources et les moyens nécessaires pouvant permettre de démanteler les gangs armés;

Intensifier les projets d’infrastructures agricoles afin de moderniser le secteur agricole mettant l’accent sur l’exportation de nos produits vers les marchés de la CARICOM afin de réduire notre balance commerciale;

Renforcer les processus d’intégration des personnes handicapées dans les secteurs de la vie nationale et leur pleine intégration dans la vie économique du pays; création d’écoles appropriées aux handicapés tout en s’assurant de faciliter leur déplacement et leur accès aux soins médicaux appropriés.

Du point de vue professionnel

Créer des centres de formation prenant compte de l’aptitude des jeunes pour leur faciliter l’entrée dans le secteur de l’emploi.

2.4- Politique économique

Les parties doivent se mettre d’accord sur une formule permettant l’adoption d’un budget consensuel permettant aux autorités d’assumer les charges de l’État; la capacité de la DGI et de la Douane sera renforcée pour permettre l’État de maximiser les recettes en vue de couvrir les dépenses publiques et de supporter les activités économiques; conduire une politique d’austérité afin de réduire le déficit budgétaire.

Créer les conditions favorisant la relance des activités économiques et la création d’emploi; conduire une politique monétaire susceptible d’assurer une croissance économique équilibrée; adopter des mesures pouvant permettre de combattre l’inflation; créer les conditions de sécurité nécessaires facilitant l’investissement et la création d’emploi;

• Conduire des politiques publiques ciblées capables de dynamiser les divers secteurs d’investissement;

• Politique de financement et d’encadrement pour les PME (petites et moyennes entreprises).


III.- Élections sous l’égide d’une nouvelle Constitution

3.1- Organisation du dialogue national autour d’un projet de réforme constitutionnelle

• Les signataires s’engagent à explorer avec les forces politiques et sociales de la nation l’opportunité d’une réforme constitutionnelle.

• Organiser un débat inclusif prenant en compte tous les secteurs vitaux de la vie nationale sur la nécessité de la mise en place d’une nouvelle assemblée constituante;

• Consulter les secteurs vitaux de la nation sur la nécessité d’adapter la nouvelle Charte fondamentale en prenant en compte les griefs de la diaspora considérée comme exclue de la chose publique haïtienne.

3.2- Adoption de la nouvelle Charte et organisation du referendum

• Les parties impliquées dans le dialogue conviennent de la nécessité d’adopter une nouvelle Constitution, conformément aux revendications exprimées par les différents secteurs de la société;

• Les parties s’entendent sur la formation d’une assemblée constituante devant rédiger la nouvelle charte fondamentale du pays;
• Les parties se mettent d’accord sur le profil et les critères de choix des constituants;

• Ceci dit, dans un délai ne dépassant pas six (6) mois, un projet d’une nouvelle Constitution doit être élaboré par l’assemblée constituante composée d’experts choisis suivant les critères définis par les parties impliquées dans le dialogue;

• Après élaboration, le projet constitutionnel sera transmis au gouvernement pour l’organisation d’un referendum de ratification.

3.4- Organisation des élections

• Le nouveau gouvernement devra organiser des élections, suivant un calendrier défini par les protagonistes en vue de pourvoir les postes vacants afin de remettre le pays sur la voie de la normalité constitutionnelle et institutionnelle;

• Mise en place d’un nouveau Conseil électoral consensuel pour organiser les élections;

• Les parties s’entendent sur les règlements devant permettre l’organisation des élections;

• Les parties se mettent d’accord sur l’établissement de listes électorales et la Carte d’identification à utiliser pour les opérations de vote;

• Réalisation des élections suivant un calendrier arrêté par les parties.

Il convient de souligner que ce document qui est signé par le Front national des syndicats haïtiens (FNSH), l’Association des propriétaires de La Plaine du Cul-de-sac (APCPCS), Fédération des transporteurs de l’Artibonite (FTA), syndicat des chauffeurs et propriétaires de transport d’Eau et de carburant (SCPTEC) entre autres, reste ouvert à toutes recommandations et suggestions, affirment les responsables.

Peterson Jean Gilles
 

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