Le séisme est ancré dans l’histoire d’Haïti

Placée sur la « plaque des Caraïbes » et traversée par des failles sismiques, la République d’Haïti est soumise aux menaces perpétuelles des tremblements de terre. Ce phénomène géologique naturel a marqué l’histoire de cette portion de territoire, et a changé la vie de plusieurs générations de ce pays.

L’histoire récente du tremblement de terre en Haïti ramène à la tragédie du 12 janvier 2010 où plus de 300 000 personnes ont trouvé la mort après le passage d’un séisme de magnitude 7,3 sur l’échelle de Richter. Cette catastrophe qui a retenu l’attention du monde entier et qui a aussi changé la vie de nombreuses personnes en Haïti n’est pas pourtant un phénomène nouveau à la République. Méconnu, ce phénomène géologique a déjà fait de dégâts considérables dans le pays même avant celui du 12 janvier 2010. Toutefois, même si celui de janvier de 2010 est redoutable dans les annales d’Haïti, mais le pays est habitué des tremblements de terre. De 1804 à date, et même avant la fondation de cette République, la terre a tremblé à maintes reprises, certaines fois provoquant de grandes pertes.

De l’Indépendance jusqu’au 20e siècle, il faut retenir que le pays a enregistré des séismes de magnitude considérable à seize reprises: 1818, 1842, 1860, 1881, 1887, 1910, 1911, 1912, 1917, 1918, 1922, 1924, 1946, 1952, 1956, 1962. Il faut souligner que le tremblement de terre du 7 mai 1842, touchant le Cap-Haïtien, a été le plus destructeur dans l’histoire du pays avant le 12 janvier 2010. Sur une population estimée à environ 10 000 habitants dans la ville christophienne, 5 000 ont perdu leurs vies durant cette catastrophe naturelle qui a causé aussi un raz-de-marée dans la deuxième ville d’Haïti. La catastrophe n’a pas eu des effets destructifs sur le Cap seulement, mais elle frappa le Grand Nord dans son ensemble. Port-de-Paix, Gonaïves, Fort-Liberté et dans la République dominicaine, Santiago, Puerto-Plata ont été affectés par le passage de ce séisme.

L’Évêque du Cap-Haïtien de 1929 à 1953, dans sa « Documentation religieuse », publiée en 1972 par les Éditions Henri Deschamps, nous retrace le tremblement de terre du 7 mai 1842. « Le samedi 7 mai 1842, deux jours après la fête de l’Ascension, on entendit vers les 5 h et demie de l’après-midi comme le bruit d’un tonnerre souterrain, accompagné de plusieurs secousses si violentes qu’en moins de quelques secondes, la ville du Cap fut transformée en un vaste champ de ruines ; tellement subites que la plupart des habitants n’eurent le temps ni de fuir ni de se dire un ultime adieu. Trois personnes furent ensevelies sous les décombres de la cathédrale et plusieurs milliers sous les décombres de leurs maisons. Au moment où la ville s’écroulait, le ciel fut tellement obscurci par les tourbillons de poussière que l’on aurait dit une nuit complète. La mer se précipita sur la ville, jusque dans les maisons qui bordent le quai et se retira aussitôt, fort heureusement. Mais les commotions en ébranlant les profondeurs avaient amené à la surface tant de vase et de détritus de toutes sortes que l’eau était noire dans toute la rade », peut-on lire dans les mémoires du prêtre.

Il affirme également que : « Pour comble d’horreur, on entendit les cris terrifiants des victimes ensevelies sous les ruines ou se consumaient sous les ardeurs de l’incendie éclatant au milieu des décombres, pour achever l’œuvre de destruction. Affolés par la terreur, ceux qui avaient pu fuir passèrent la nuit sur les places publiques et à la Fossette… Aucun signe précurseur ne s’était manifesté pendant la journée. L’air était calme, le ciel pur et serein. Durant toute la nuit, il y eut de fréquentes oscillations et de violentes commotions. Bien plus, les trépidations du sol se répétèrent chaque jour et quelquefois à plusieurs reprises pendant près d’un mois. La population allait passer toutes les nuits sur les places ouvertes ».

Le tremblement de terre de 1887 a marqué, de son côté, les esprits. Ce séisme a fait trembler le Grand Nord. La cathédrale de Port-de-Paix a été détruite durant le passage de ce phénomène en 1887. Et, il a fallu attendre jusqu’à 20e siècle, en 1952, pour enregistrer un séisme à Anse-à-Veau dans le département des Nippes. Environ 5 personnes sont mortes et plusieurs blessées suite au passage de ce tremblement de terre.

12 janvier 2010, le séisme meurtrier inoubliable

Ensuite, jusqu’au 21e siècle, aucun grand tremblement de terre n’a pas été recensé dans le pays. Le 21e a démarré un peu calme avec un oubli total des risques de séisme dont le pays est constamment exposé. Le 12 janvier 2010, contre toute attente, la terre a tremblé dans le département de l’Ouest. De nombreuses personnes ont été égarées au cours du passage de cette catastrophe naturelle. Le manque de connaissance du phénomène et les mauvaises constructions ont causé une grande tragédie inoubliable dans l’histoire d’Haïti et des tremblements de terre en général. Plus de 300 000 pertes en vies humaines et des milliards de dollars de biens détruits.

Des tremblements de terre sur cette portion de territoire même avant 1804

Entre autres, faut-il rappeler qu’avant la République d’Haïti, la partie française de l’ile d’Hispaniola a été frappée de nombreux séismes. L’ile a tremblé en 1564, 1684, 1691, 1701, 1713, 1734, 1751, 1768, 1769, 1770, 1771,1783, 1784, 1785, 1786, 1787, 1788, 1789. Néanmoins, ceux de 1751 et de 1770 sont les dates qui ont les plus marqué l’histoire des tremblements de terre à Saint-Domingue. Au cours de ces deux dates, Port-au-Prince a été sombré par ce phénomène naturel.

L’historien Moreau de Saint-Mery a ainsi rapporté : « Le 18 octobre 1751, à deux heures de l’après-midi, par un temps calme et serein, la terre se mit à trembler à Port-au-Prince avec deux secousses violentes qui durèrent environ trois minutes. La terre eut, jusqu’au 25, des balancements, comme si elle n’avait pas trouvé d’assiette. La ville de Saint-Domingue perdit plusieurs édifices. Le 28, on éprouva trois secousses, le 29 deux et le 19 novembre encore deux extrêmement fortes. Le 21 novembre, à 8 heures du matin, durant un calme profond, il y eut une légère secousse à Port-au-Prince. Des secousses plus violentes suivirent. Une seule des maisons de maçonnerie ne fut pas renversée. Quelques-unes de charpente tombèrent. Les casernes, le magasin général et une aile de l’intendance s’écroulèrent. Le 22, les bâtiments qui avaient résisté la veille furent détruits, et du 19 au 22, la terre ne fut pas stable un seul instant. Le soir et le matin un bruit comme celui d’un canon souterrain annonçait de nouvelles agitations. Du 22 novembre au 8 décembre, il y eut 25 secousses, et pendant près d’un mois, nul homme n’osa se placer sous un autre asile qu’une tente. Les ravages de tant de secousses furent sensibles depuis Léogâne, inclusivement jusqu’aux Gonaïves ».

D’un autre côté, en 1770, soit 19 ans plus tard, un autre séisme a ravagé Port-au-Prince. La terre a tremblé le 20 janvier, le 12 avril et le 3 juin de cette même année. Celui du 3 juin a coïncidé avec le jour de la Pentecôte. « À sept heures un quart du soir, l’Ile entière éprouva un tremblement de terre précédé d’un bruit sourd, semblable à un mugissement. Les deux premières secousses, ressenties à Port-au-Prince et qui se suivirent de très près, durèrent, ensemble au moins 4 minutes, et pendant cette succession de mouvements d’ondulation de l’est à l’ouest et de trépidation, la ville entière fut renversée ; la poudrière seule résista et s’ouvrit seulement. Un horizon gras, une atmosphère brûlante, un air accablant, durant toute la journée, avaient heureusement porté les habitants à chercher, dès le coucher du soleil, quelque soulagement dans la promenade, soit hors de leurs maisons soit sous leurs galeries, d’où ils purent s’élancer dans les rues ; car, une heure plus tôt, tous auraient péri sous les ruines de leurs maisons, où il ne se trouva encore que trop de victimes », relate Saint-Mery dans son livre « Description topographique, physique, civile, politique et historique de la partie française de l’ile de Saint-Domingue », publié en 1797.

Haïti est exposé constamment à ce phénomène géologique naturel. Le phénomène en soi n’est pas mortel. Mais, ce sont ses effets joints à des infrastructures inadéquates qui peuvent causer la mort. Donc, il revient aux autorités établies de prendre les dispositions nécessaires pour former la population haïtienne en les aidant à se préparer pour affronter toute éventualité.

Woovins St Phard

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