Un musée national du Rara: pourquoi faire ?

Défendre la place du musée national du Rara s’impose comme un devoir de mémoire, une obligation politique et économique, et une démarche citoyenne et scientifique, pour sauvegarder et diffuser, éduquer et créer de la richesse autour de cet élément important de la culture nationale qu’est le Rara.

Des enfants qui ne participent pas ou n'observent pas les défilés entre mars et avril ont besoin de s’informer sur ces formes de prestations artistiques et de performances mythiques et mystiques. Les familles pourraient bien visiter ce lieu de mémoire et de valorisation du patrimoine national durant toute l'année, via des expositions thématiques sur les chants, les messages et les rythmes, des représentations esthétiques autour des instruments, des costumes et des danses, et de la documentation riche en informations et en images, sur le sacré et les secrets qui alimentent notre Rara.

Durant la saison pascale, elles sont nombreuses les bandes de Rara qui sillonnent plusieurs villes et quartiers en Haïti, notamment dans le département de l’Ouest, avec la cité Anacaona comme capitale officielle du Rara, de nombreuses autres villes dans le Grand Sud  (Sud-Est, Sud,  Nippes et Grand’Anse), le département de l’Artibonite, et quelques autres chefs-lieux de département, des grandes villes mystiques et des communautés traditionnelles en Haïti.

Découvrir l’univers du Rara durant toute l'année sera désormais possible avec l'inauguration du premier musée national du Rara en Haïti. Ce sera l’accomplissement d’une vision progressiste des futures autorités politiques et scientifiques, mystiques et culturelles qui vont s’engager dans la matérialisation de ce grand chantier de développement durable.

Des institutions comme la Mairie de Léogâne, l’organisation dénommée l’Union des Raras de Léogâne, le ministère de la Culture et de la Communication, le ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle, et le ministère de l’Économie et des Finances devraient mobiliser les ressources nécessaires pour porter le projet de la création du musée national du Rara.  

Dans la diaspora, et notamment en Amérique du Nord, en République dominicaine, et avec la croissance excessive de la communauté haïtienne dans plusieurs pays d'Amérique du Sud, et sans oublier la communauté haïtienne à Cuba, elles sont nombreuses les tentatives de création et d'interprétation des groupes Rara qui prennent place dans la vie culturelle et cultuelle des plus nostalgiques de la terre natale.

Derrière les défilés de Rara qui s'enchaînent dans tous les coins et recoins de la ville d’Anacaona et plusieurs autres quartiers, villes et départements en Haïti, il y a l’urgence d'éduquer la population, notamment les jeunes sur l’histoire et l'évolution du Rara haïtien. Cette pratique représente pratiquement l’une des plus grandes fêtes culturelles et populaires du pays, ceci depuis plusieurs générations, qui participent dans le renouvellement et de l’enrichissement des traditions nationales et du patrimoine universel.   

Dans le Rara haïtien, on est en droit d’identifier les divers fragments des cultures amérindienne, africaine, européenne, notamment espagnole, française et des États-Unis, suivant les nombreuses occupations militaires du territoire par ce dernier.  

Dans un seul et même espace, beaucoup plus artistique et culturel, pédagogique et éducatif, scientifique et innovant, les familles et les touristes locaux et les étrangers, les universitaires et les chercheurs ont besoin de découvrir toutes les dimensions du Rara haïtien à travers l’histoire, la mémoire et le patrimoine.

Dans une carte nationale du Rara en Haïti, les jeunes allaient finalement découvrir dans des codes de couleurs, les principaux quartiers et les sites, les principales villes et communes en Haïti, ou des groupes de citoyens, des familles, des temples Vodou et des sociétés secrètes décident depuis plusieurs siècles et des générations, de participer à la revitalisation d’un ensemble de traditions à la fois artistique, esthétique, culturelle, religieuse, mystique, économique, technique, professionnelle, et politique.

De multiples définitions et citations sur le Rara, en passant par les slogans et la typologie des bandes de Rara trouveront désormais une place, entre les vitrines et les écrans qui raconteront l’histoire du Rara national.

Des foules composées de plusieurs dizaines, centaines et milliers de personnes, tous les âges confondus, entourent et accompagnent les musiciens et les responsables de la bande, lors des performances artistiques et durant les rituels qu’ils exécutants, avant, pendant et après, dans une démarche à la fois artistique et culturelle, socialisante et économique, mystique et militaire, en tenant compte des positions offensives et des stratégies défensives utilisées par chaque groupe Rara, lors des défilés, des déplacements et la traversée des carrefours qui imposent l’utilisation des fouets pour nettoyer les lieux, contre des pièges de toutes sortes, y compris des poisons, comme les poudres mortelles déposées sur les lieux.    

Dans la commune de Léogâne, à elle seule, elles sont au nombre de combien les bandes de Rara en 2022 ? Quelles sont les bandes de Rara qui n’existent plus ou qui se sont fusionnées ou reconverties au fil des ans ? Comment les groupes de Rara participent-ils dans la vie économique, sociale et politique de la cité, et pendant les élections ?

Dans un groupe de Rara, on néglige souvent l’aspect à la fois éducatif et pédagogique. Si ces institutions culturelles participent dans l'éducation populaire, lors des défilés, on ne saurait négliger la dimension pédagogique de ces organisations qui représentent de véritables centres de formations artistiques et culturelles, qui recrutent et encadrent des jeunes et d’autres profils moins jeunes dans la pratique artistique, et la maîtrise d’un ensemble d’instruments de musique et des techniques d’animation et de performance dans les rues.

Du vaksin au tchatcha, en passant par le tambour,  l’hélicon, la trompette ou le trombone, ce sont parmi ces instruments, dans leurs formes authentiques et leurs supports spécifiques, que le public devra découvrir dans les vitrines du musée haïtien du Rara.  

De la cité d’Anacaona (Léogâne) à la cité de l'Indépendance (Gonaïves), en passant par d’autres régions du pays un peu moins animées par les bandes Rara, ce sont pratiquement les hauts lieux les plus mystiques du pays, qui portent l’essence de cette tradition culturelle très historique, mystique et symbolique. Qu’est-ce qui se cache dans la saison des Rara en Haïti qui méritent une certaine diffusion responsable et socialisante pour éduquer la population ?  

Des connaissances et des compétences qui se développent au fil des ans, chez ces musiciens autodidactes et formés dans les Lakou Vodou et les communautés de Rara. Des secrets sur les origines du Rara et les principes établis dans chaque groupe, suivant les esprits Vodou et les rituels qui traduisent les règlements de ces groupes, seront partagés avant et pendant l’initiation ou le recrutement de ces musiciens.

Des costumes des groupes de Rara, en dehors de la galerie des instruments d’animation du Rara, disposent d’un bel espace d’exposition pour émerveiller les visiteurs, qui vont finir comme découvrir les autres professions cachées qui alimentent cette filière des industries culturelles.

Des sujets abordés dans les compositions de chaque groupe Rara, des rythmes et des rites combinés méritent aussi bien une salle d’exposition pour apprendre les partitions, pour comprendre ce qui constitue l'âme de cette forme musicale spécifique aux traditions ancestrales du peuple haïtien.

Des groupes de Rara, en passant par des bandes à pied, et des défilés des sociétés secrètes dans les rues la nuit, comment faire la décantation ? Comment diaboliser le Rara dans l’imaginaire collectif ? Quels sont les impacts de la mondialisation et des technologies sur le Rara Haïtien ?

Durant la période de carême, traditionnelle fête chrétienne, les groupes ou bandes de Rara vont ainsi défiler dans les rues pour animer et interpeller la curiosité, pour renouveler un ensemble de traditions sociopolitiques et culturelles.  

Des jours et des dates, des heures et des moments particuliers sont pris en compte dans l’agenda du Rara en Haïti, selon l’avis de nombreux membres de ces organisations. Que rapporterait le musée national du Rara en termes d’attraction, de retombées et d'opportunités pour la commune de Léogâne, le département de l’Ouest et tout le pays ?  Et si seulement, on commençait par constituer la première collection des objets, des documents, des œuvres artistiques et littéraires, et des bases de données sur l’histoire et les noms des groupes et de leurs membres, les sujets abordés dans les chants, les esprits mystiques vénérés et toute la cartographie du Rara en Haïti ?

Dominique Domerçant

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