La FBH préoccupée par les failles du pouvoir judiciaire

Le représentant de la Fédération des barreaux d’Haïti au Conseil supérieur du Pouvoir judiciaire, Me Evens Fils, a lancé une mise en garde aux juges qui contribuent activement à la déliquescence de la justice en Haïti. Dans une lettre adressée à ses pairs du CSPJ dont Le National a obtenu copie, le bâtonnier de l’Ordre des avocats de Fort-Liberté a mis le doigt dans la plaie.

En effet, le représentant de la FBH estime qu’il est urgent de prendre des décisions appropriées et à temps pour relever la justice. « Le Pouvoir judiciaire doit donner le ton et s’attaquer à ses maux les plus sévères sans acception de personne, en toute impartialité et objectivité », espère-t-il !

Le représentant de la Fédération des barreaux d’Haïti, Me Evens Fils, se dit préoccupé par les différentes failles du système judiciaire dans le pays. Par ailleurs, il dénonce ces juges qui refusent de se rendre dans les tribunaux et ne soumettent pas leurs rapports de travail au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire. Ainsi, le bâtonnier de l’Ordre des avocats de Fort-Liberté recommande au CSPJ d’accorder un délai aux magistrats de présenter leur reddition de comptes durant ces trois dernières années dans le système. 

À l’image du pays, le système judiciaire fonctionne mal. L’absence de légitimité dont font face les différents représentants des institutions de la République provoque un manque de confiance au niveau des divers pouvoirs de l’État. Parallèlement, au niveau des tribunaux, certains juges refusent de se rendre dans leurs lieux de travail. D’autres résident à l’étranger, alors qu’ils perçoivent encore leurs salaires.

« Quatre-vingt-dix pour cent (90 %) des magistrats ne fournissent aucun rapport. Les fiches ne sont pas remplies et soumises telles que le CSPJ l’avait exigé. Ils ne donnent, sous aucune autre forme, des données sur ce qu’ils réalisent dans les cours et les tribunaux. Le CSPJ n’est pas au courant des œuvres et des activités des magistrats. Il n’y a de rapport ni par juridiction, ni par juge, ni par greffe, à l’exception de quelques-uns. Or, il est mathématiquement impossible et logiquement irréalisable que le CSPJ accomplisse sa mission de contrôle et de discipline s’il n’est pas régulièrement informé de la qualité des actes entrepris par les magistrats », a détaillé Me Evens Fils, le représentant de la Fédération des barreaux au CSPJ. Notamment, il dénonce des employés des tribunaux et des cours qui ont abandonné leurs postes et se sont installés dans d’autres pays. « Ils ignorent l’adresse du siège du CSPJ. Mais ils continuent à empocher leurs salaires et d’autres privilèges indûment », a-t-il poursuivi.

Le représentant du FBH se dit consterné devant le bilan fort alarmant de certains juges de la magistrature.  

« Quel est l’avenir de la justice et du CSPJ si des juges en constituent les principaux obstacles? Qu’est-ce que la population peut espérer d’un juge qui n’a aucune notion de reddition de compte, de services publics, d’intérêt collectif et qui s’opposent diamétralement aux injonctions de son autorité administrative et de la loi ? À quoi peut s’attendre la société civile lorsque personne ne sait quand vient un juge au bureau, combien d’années il passe aux États-Unis, le nombre de décisions qu’il a rendues, le nombre de policiers qui sont en détachement avec lui alors qu’il se trouve en France depuis deux (2) ans et (2) deux véhicules pourrissent dans son garage. Ainsi, les rapports dérangent », a expliqué l’homme de loi.

Se référant aux prescrits de la loi, Me Evens Fils précise que le Conseil supérieur du Pouvoir judiciaire possède un pouvoir général d’information sur toutes les questions relatives à la Justice, notamment celles qui ont trait à son indépendance et à son mode de fonctionnement (Loi de 2007 sur le statut de la magistrature, article 36). Le cas du président de la Cour de cassation, celui de la Cour d’appel, le doyen, le commissaire du Gouvernement et chaque juge qui sont tenus, avant l’heure fixée pour l’audience, de se faire inscrire sur le registre de pointe. Avant l’audience, ce registre est arrêté́ et signé par le président de la Cour ou le doyen ou par le juge qui le remplace et par le commissaire du Gouvernement ou son substitut (décret 22 août 1995, article 65) et que tout juge ou officier du parquet, absent d’une audience où sa présence était requise, subira une retenue dont la quantité́ sera déterminée en divisant le chiffre de ses traitements mensuels par le nombre d’audiences qu’il a l’obligation de fournir dans le mois (Décret 22 août 1995, article 71). Ainsi, est réputé́ démissionnaire le juge qui, sans un empêchement légitime dûment constaté ou sans un congé, a trois absences non autorisées pendant un mois et ne s’est pas conformé aux dispositions du présent décret (...)

https://ssl.gstatic.com/ui/v1/icons/mail/images/cleardot.gifFace à ces dérives, le représentant de la FBH recommande au CSPJ de dresser la liste des juridictions et des magistrats n’ayant pas soumis de rapport; d’accorder un délai de trois mois à ces magistrats afin de soumettre le rapport des trois dernières années dans la magistrature; de faire du Système de gestion des cas judiciaires (une base de données actualisées quotidiennement) une obligation nationale au niveau de la justice ; de sanctionner les magistrats qui refusent de soumettre leur rapport au terme des trois mois (sauf pour les cas de force majeure dûment constatés) ; puis, procéder immédiatement à leur remplacement. 

Ainsi, la FBH croit qu’il faut se désolidariser de ces vieilles pratiques dans la justice haïtienne. Par ailleurs, Me Evens Fils estime qu’on doit remplacer ces magistrats corrompus. « C’est le minimum qu’on puisse faire.  Si l'on accepte un mal chronique et on ne réagit pas en proportion adéquate, on est coupable du crime. On a une obligation de résultat et non de moyens. Si après maints discours, le mal prévaut et la funeste réalité prédomine, nous en sommes responsables. Aux grands maux, les grands remèdes », ajoute-t-il !

 

Oberde Charles

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