5 juin 1862 : Les États-Unis reconnaissent l’indépendance d’Haïti, 58 ans après 1804 !

Dans une résolution votée par le Congrès des États-Unis et approuvée par le président Abraham Lincoln, ces derniers allaient finalement reconnaître l’indépendance d’Haïti. Une date importante dans l’histoire des relations entre les deux pays. Les deux premiers États libres et indépendants sur le continent américain.

Déjà 160 ans de relations et de coopération et de cohabitation, de contradiction et de sanction, de déportation et d’interventions, la date du 5 juin 1862, qui rappelle la reconnaissance par les États-Unis de l’indépendance d’Haïti, 58 ans après le nouvel ordre mondial anti esclavagiste imposée par Haïti en 1804.

Des jeux d’intérêt économique, géopolitique, et certainement culturel et historique sont à l’origine de ce mépris imposé par cette non-réciprocité exprimée pendant des années par le premier État du continent, contre son successeur et voisin pourtant très solidaire dans la majorité des luttes menées pour l’indépendance des États de la région, avant, pendant et après 1804.  

Dans la page 208 de l’œuvre scientifique et magistrale de Rose-Mie Leonard, avec une haute portée historique, on retient ceci : « Pourtant si après le 1er janvier 1804, la proclamation de l’indépendance du nouvel État, Haïti, venait confirmer et rendre irréversible l’abolition de l’esclavage impose en 1793, il n’en était pas de même aux États-Unis, ou l’indépendance coexista près de quatre-vingt-dix années encore avec le maintien de l’esclavage; ce qui n’est pas sans liens avec la reconnaissance très tardive, par les États-Unis, de l’indépendance d’Haïti, en 1862, soit deux ans avant l’abolition officielle de l’esclavage sur le territoire américain ».

Dans le même paragraphe, l’auteure poursuit : « Les raisons avancées par les historiens pour expliquer ce déni de reconnaissance et cette lenteur sont multiples et diverses. Il nous semble que le devenir de la liberté et de l’esclavage conditionne le devenir des deux pays sur la scène internationale ; tandis que les États-Unis sont devenus un État fort, respecte et accepte par la communauté des nations, Haïti était devenu un État paria, isole, méprisé, faible. Comment l’indépendance d’Haïti était perçue aux États-Unis avant la reconnaissance du nouvel État et avant l’abolition de l’esclavagisme en 1864 ? »

Des questions que l’on pourrait bien reformuler et actualiser dans le contexte actuel des relations entre les États-Unis et Haïti. Comment apprécier cette marque de reconnaissance dans les relations entre les deux pays 160 ans après ? Quelles sont les retombées d’une telle coopération en considérant les passifs des occupations militaires d’Haïti par les États-Unis ?  Comment la diaspora devrait pouvoir participer dans le redressement et comme contre partie pour le relèvement d’Haïti ?

Derrière la présence des Haïtiens d’origine tels que Karine Jean-Pierre à la Maison-Blanche, ou de Patrick Gaspard qui a grandement servi l’administration du président Barack Obama, jusqu’à le représenter comme ambassadeur des États-Unis en Afrique du Sud, et parmi tant d’autres citoyens américains célèbres, reconnus et anonymes, qui portent les gènes des anciens esclaves qui ont combattus pour l’indépendance d’Haïti, les États-Unis ont beaucoup de chemin à parcourir pour prouver aux Haïtiens authentiques, rassurer les Haïtiens les plus nationalistes et convaincre les patriotes haïtiens les plus pétris dans la moule dessalinienne, leur marque de reconnaissance réelle envers Haïti et leur volonté manifeste d’aider et d’accompagner ce peuple dans son véritable relèvement historique et géopolitique.

Démocratiquement, ça ne va pas dans l’Haïti d’aujourd’hui, qui continue de servir d’échantillon paradoxal du développement du continent Amérique. Dans quel sens la République d’Haïti exprime-t-elle la matérialisation de la doctrine de Monroe ? 

Dans quel sens Haïti devrait pouvoir bénéficier, des États-Unis, des mêmes soutiens accordés à des pays comme Israël, la Corée du Sud, le Taiwan et le Japon ? Comment les dirigeants et élites en Haïti peuvent proposer ou profiter de façon plus intelligente et de manière plus consistante des relations entre Haïti avec la première puissance mondiale ?    160 ans après, comment utiliser les loupes de la guerre de la Russie en Ukraine en cours pour comprendre l’importance d’Haïti aux yeux des États-Unis par rapport à l’assistance massive accordée à Kiev ? 

160 ans  après cette reconnaissance, à quand une trêve pour Haïti, afin que les États-Unis puissent véritablement aider ce pays à se reconstruire comme l’Europe au lendemain de 1945 ? Pourquoi l’avenir et le développement d’Haïti passent obligatoirement par une prise en compte de ses relations avec les États-Unis en premier lieu ?  Quelle place devrait jouer l’éducation des jeunes et la formation des professionnels dans le renforcement des relations entre les deux pays ?  Quelles sont les connaissances des faits et des dates que tout Haïtien devrait savoir sur les États-Unis, pour comprendre les limites et les enjeux dans les relations entre les États-Unis et Haïti ?   Pourquoi et comment enseigner aux écoliers et universitaires en Haïti l’histoire des États-Unis entre autres ? 

Dominique Domerçant       

 

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES