« La classe politique haïtienne devrait tirer une leçon du refus du gouvernement canadien sur l’intervention militaire en Haïti », selon Jose-Booz Paul

Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, n’a pas accepté de prendre le leadership d’une nouvelle mission militaire en Haïti. En réaction, le jeune avocat Me Jose-Booz Paul estime que ce refus est parfaitement légitime. La classe politique haïtienne devrait tirer une leçon du refus du gouvernement canadien, déclare-t-il lors d’un entretien accordé au quotidien Le National.

L.N: Me Jose-Booz Paul, avez-vous été surpris par la déclaration du Premier ministre Trudeau sur l’impossibilité d’une intervention militaire en Haïti?

J-BP : Non! Non! Nous négocions cette occupation militaire, depuis le matin du 8 juillet 2021. Depuis 2021, les gouvernements de Claude Joseph et d’Ariel Henry n’ont cessé de réclamer l’occupation militaire d’Haïti par des forces armées étrangères. Mais la communauté internationale, consciente de son échec, lors de ses précédentes interventions militaires dans le pays, a rejeté leur demande. Ce refus, à mon avis, est parfaitement légitime. En effet, depuis 1915, aucune des opérations militaires menées par les armées américaines, françaises et sud-américaines n’a abouti à une solution satisfaisante et durable de la crise politique haïtienne. Je considère ce refus comme une nouvelle humiliation nationale. 

L.N : Selon vous, y a-t-il une leçon à tirer de ce refus, Me Jose-Booz Paul? 

J-BP : La classe politique haïtienne devrait tirer cette simple leçon du refus du gouvernement canadien de prendre le leadership d’une nouvelle mission militaire en Haïti : « Les leaders haïtiens doivent répondre des besoins de leur peuple. L’étranger occupant est là pour défendre les intérêts des institutions de son pays ». Je pense que nous devons comprendre que le moment est venu de travailler ensemble pour construire un avenir prospère pour le peuple haïtien. Et, cela doit se faire dans un environnement politique stable. Vous savez, aucun pays ne peut créer de la richesse sans garantir aux entrepreneurs un minimum de stabilité. Un pays prospère lorsque ses entreprises marchent bien. Mais pas quand il est occupé militairement par des soldats étrangers. Face au refus de la communauté internationale d’occuper militairement notre pays, le gouvernement haïtien doit renforcer les capacités techniques de l’armée haïtienne et établir une coopération militaire solide avec de nouvelles nations. Voilà ma position! Comme toujours, elle est publique. Cest un appel à la responsabilité nationale. Claire. Simple. 

L.N : Peut-on dire que le Premier ministre Ariel Henry a bien compris le message du Canada? 

J-BP : Je félicite le Premier ministre Ariel Henry pour son intelligence. En politique, chaque discours est un pas. Chaque pas, comme le disait Jacques Chirac, est un objectif. Un but. Le Premier ministre avait besoin d’un discours pour réaffirmer son statut de « chef des armées ». Il l’a fait. Il lui reste maintenant le soin d’annoncer la création d’une grande conférence nationale de souveraineté pour expliquer aux Haïtiens les suites qu’il compte donner à ce discours, très déterminant pour l’avenir de leur pays. 

L.N : La question militaire est très délicate!                             

J-BP : Je suis tout à fait d’accord avec vous. Mais, nous sommes les enfants de Vertières. Cappoix, Christophe, Dessalines et consorts (tous nos ancêtres-là qui ont changé le monde, à cause de la victoire du 18 novembre 1803) furent des officiers progressistes de l’Armée indigène. On ne peut pas oser concevoir l’existence de ce pays sans son armée. Haïti a besoin de son armée pour combattre ses ennemis de l’extérieur comme ceux de l’intérieur. Je pense, à cet effet, que le gouvernement haïtien pourrait chercher à établir une coopération militaire spéciale composée du Mexique, de l’État d’Israël et du Brésil, par exemple. Israël possède une riche expérience en matière de contre-terrorisme et d’intelligence. Les militaires brésiliens et mexicains savent comment faire face aux gangs lourdement armés des quartiers difficiles. Cette coopération spéciale pourrait s’avérer très fructueuse pour Haïti. Elle pourrait contribuer à renforcer les moyens technologiques dont dispose l’armée d’Haïti, en vue de mieux combattre la progression des gangs armés. 

L.N : Quelques mots pour clore cet entretien.

J-BP : Les armées américaine et canadienne ne viendront pas occuper militairement Haïti. C’est constant! Haïti, en ce moment, ne représente pas un danger majeur pour les intérêts immédiats de certains pays occidentaux ni pour leurs alliés. Nous avons besoin de la solidarité et de la responsabilité pour reconstruire notre pays. Après le refus du Canada de diriger une nouvelle intervention militaire en Haïti, nous avons besoin de savoir quelles sont les décisions pragmatiques que le gouvernement va prendre pour nous permettre de dormir en paix, d’envoyer nos enfants à l’école, d’aller travailler...Bref, de construire notre avenir et celui de nos enfants, en toute quiétude.

LN : Merci, Me Jose-Booz Paul!

J-BP : Merci beaucoup! 

 

Propos recueillis par :

 Wilner Jean

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