La faim est un meurtre ! », déclare le ministre allemand de la Coopération économique et du Développement, Gerd Müller

La faim a augmenté de « manière significative » dans le monde, selon le dernier rapport de l’organisation allemande « Welthungerhilfe ». À l’occasion du lancement de l'Indice de la faim dans le monde 2021 la semaine dernière, cette organisation humanitaire a appelé les gouvernements occidentaux à renverser la vapeur en s’attaquant aux causes de ce fléau.

La faim dans le monde a augmenté pour la sixième fois consécutive. Aujourd’hui, 811 millions de personnes souffrent de faim chronique, soit une personne sur dix. 41 millions vivent au bord de la famine. En 2019, 690 millions de personnes étaient concernées par la faim. 121 millions d’affamés s’y sont, depuis, ajoutés.

L'Indice de la faim dans le monde examine la situation alimentaire de 128 pays sur la base de plusieurs indicateurs tels que le retard de croissance ou la mortalité infantile.

Selon « Welthungerhilfe » et le Programme alimentaire mondial des Nations unies, la pandémie de Covid-19 a exacerbé la situation alimentaire déjà précaire dans de nombreux pays du Sud où des millions de familles ont perdu leurs moyens de subsistance. L'une des conséquences de la pandémie a été une augmentation significative des prix, a indiqué Mathias Mogge, directeur exécutif de « Welthungerhilfe ». « Mais les principaux facteurs de la faim restent les conflits et le changement climatique », a précisé Thieme.

Le nombre de conflits violents a encore connu une hausse ces dernières années. Parallèlement, dans huit pays sur dix où la situation de la faim est très grave ou grave, les conflits constituent un facteur important de la faim, a affirmé le président de « Welthungerhilfe ». Il n’est donc guère étonnant que les pays où sévit une guerre civile depuis des années, comme le Yémen, la Syrie ou l'Afghanistan, soient également en bas de l'Indice de la faim dans le monde. « Plus de la moitié des personnes sous-alimentées vivent dans des pays marqués par la violence, les conflits et la fragilité. » C’est pourquoi Thieme juge indispensable de mettre sur pied des « solutions politiques viables aux conflits et un renforcement du droit à l'alimentation ». En outre, l'utilisation de la faim comme arme de guerre doit être systématiquement sanctionnée de manière cohérente, recommande-t-il.

Les plus pauvres et les plus vulnérables seraient particulièrement touchés par les conséquences du changement climatique, alors qu'ils y contribuent le moins. « La crise climatique est une question de justice. C'est pourquoi, lors de la prochaine conférence sur le climat qui se tiendra à Glasgow en novembre, nous avons besoin d'objectifs clairs et contraignants pour la réduction des émissions de CO² ainsi que d'un soutien financier pour la promotion de la résilience climatique », demande Marlehn Thieme

La Banque mondiale prévoit qu'environ 216 millions de personnes devront quitter leur région d'origine d'ici 2050 en raison du changement climatique. « Les inondations ou les sécheresses rendront des zones entières inhabitables, par exemple dans le sud de Madagascar. Là-bas, la pire sécheresse depuis 40 ans fait rage. Le taux de malnutrition à Madagascar est de 43,2%, parmi les cinq plus élevés au monde, et il est en constante augmentation depuis une décennie. La situation s'aggrave également au Kenya. Les deux pays ressentent de plein fouet les effets du changement climatique », rappelle « Deutschlandfunk » dans son émission du 14 octobre dernier.

Loin de la faim zéro de 2030

 « Il devient plus évident que jamais que nous ne sommes pas sur la bonne voie pour atteindre la faim zéro d'ici 2030 et que les succès passés ne sont pas durables. », conclut le rapport. Le monde s'éloigne de plus en plus de l'objectif contraignant des Nations unies en matière de développement durable, à savoir l'éradication de la faim d'ici à 2030, a déploré M. Thieme.  « Nos craintes de l'année dernière se sont malheureusement confirmées. Les famines sont de retour et les crises multiples ne cessent d'augmenter le nombre de personnes souffrant de la faim. » Les données actuelles montrent des reculs dans la lutte contre la faim et laissent présager des perspectives difficiles pour l'avenir, indique le WHI 2021. Dans certains pays où les niveaux de faim sont déjà élevés, les scores WHI ont augmenté depuis 2012, par exemple au Yémen, à Madagascar et en République centrafricaine. Dans d'autres pays, comme la République du Congo et le Lesotho, la situation s'est également aggravée depuis ces neuf dernières années.

Selon les projections actuelles de l'enquête WHI, 47 pays n'atteindront pas un score inférieur à 10 d'ici 2030, ce qui, selon les experts, constitue le seuil à partir duquel les niveaux de faim sont faibles. 28 de ces États se trouvent en Afrique subsaharienne. Les autres s'étendent de l'Asie du Sud, de l'Est et du Sud-Est, de l'Asie occidentale, de l'Afrique du Nord à l'Amérique latine et aux Caraïbes. Parmi les pays du continent africain qui devrait connaître une augmentation du nombre de personnes touchées par la malnutrition d'ici 2030, la Somalie arrive en queue de peloton.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies a également mis en garde à Rome contre une augmentation de la température moyenne mondiale de deux degrés par rapport aux niveaux préindustriels qui pourrait menacer de faim 189 millions de personnes supplémentaires. Le directeur exécutif du PAM, David Beasley, a appelé à la mise en place de systèmes d'alerte précoce et de programmes d'adaptation et de résilience au changement climatique pour éviter cette catastrophe humanitaire imminente.

Appel aux politiciens

Il faut changer la donne. C’est ainsi que Mathias Mogge appelle les responsables politiques à s'attaquer aux crises liées aux pénuries alimentaires. Il s’agit « d’initiatives politiques pour contenir les conflits dans le monde, des efforts financiers pour lutter contre les famines aiguës. » En outre, des accords contraignants seraient nécessaires lors de la conférence des Nations unies sur le changement climatique COP26 à Glasgow (31 octobre au 12 novembre) pour lutter contre le changement climatique.

De son côté, Marlehn Thieme estime que les États occidentaux peuvent faire quelque chose. L'Allemagne et les autres grands contributeurs au changement climatique ont une responsabilité, estime-t-il. Le gouvernement allemand et la communauté internationale dans son ensemble ont donc un mandat clair pour la prochaine conférence sur le climat : tous les pays doivent réduire leurs émissions de CO2 et apporter des ajustements importants à leurs plans.

Au vu de la situation mondiale, le ministre fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement, Gerd Müller, (CSU) a également tiré également la sonnette d'alarme. « Les conséquences de la pandémie de Corona et de nombreux conflits ont entraîné un renversement de tendance négatif ces dernières années : des millions de personnes sont dans les rues sans travail, les chaînes d'approvisionnement sont interrompues, les prix des denrées alimentaires augmentent », a-t-il souligné au journal « Augsburger Allgemeine ». Müller a réitéré son appel en faveur d'une réforme des programmes d'aide alimentaire des Nations unies et d'un fonds d'urgence et de crise de dix milliards d'euros.

Parallèlement il a exigé que la lutte contre la faim et la pauvreté soit comprise comme une politique de paix tournée vers l'avenir et qu'elle soit placée en tête de l'agenda de la politique mondiale. Le fait que 15 000 enfants meurent de faim chaque jour constitue, pour lui, « un scandale incroyable ». Pour Müller, « La faim est un meurtre, car nous avons les connaissances et la technologie nécessaires pour nourrir tout le monde. ». Il est convaincu qu’un monde débarrassé de la famine est en principe possible. « Avec environ 40 milliards d'euros supplémentaires par an pour l'alimentation et l'agriculture durables par les pays industrialisés, le secteur privé et les pays en développement, la faim peut être vaincue d'ici 2030. »

Huguette Hérard

Notes

(1) « Welthungerhilfe » est l'une des plus grandes organisations d'aide privées en Allemagne, indépendante sur le plan politique et confessionnel. Son but est d’arriver à l’objectif « Faim zéro d'ici 2030 ». Depuis sa création en 1962, plus de 10.369 projets étrangers dans 70 pays ont été soutenus à hauteur de 4,2 milliards d'euros.

(2) Sources diverses : Welthungerhilfe ; DomRadio.de ; Deutschlandfunk ; Zeitung der Arbeit ; Redaktionsnetzwerk Deutschland (RND).

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES