L’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) demande l'ouverture d'une action publique contre l'ancien ministre de la planification et de la coopération externe, Aviol Fleurant, pour « fausse déclaration de patrimoine et enrichissement illicite ». Selon un rapport publié ce mardi 3 septembre 2024, l'ex-ministre est accusé de ne pas pouvoir justifier l'origine de plus de 75 millions de gourdes, soit une augmentation de 253,26 % de son patrimoine durant son mandat de mars 2016 à décembre 2018. L'ULCC évoque également l'achat suspect de deux propriétés à Péguy-Ville, inscrites au nom de ses enfants.
En effet, l’enquête, menée sous la supervision du directeur général de l’ULCC, Me Hans Jacques Ludwig Joseph, a révélé des irrégularités significatives dans la gestion patrimoniale de l’ancien ministre Aviol Fleurant. Le rapport souligne que M. Fleurant a procédé à de fausses déclarations de patrimoine, en totale contradiction avec les lois en vigueur. L’audit a mis en évidence une augmentation inexplicable de son patrimoine, atteignant 75 207 339 gourdes, soit une croissance de 253,26 % par rapport aux revenus légitimes déclarés du couple Fleurant.
De fait, les investigations ont également révélé que M. Fleurant n’a pas été en mesure de justifier l’origine des fonds ayant servi à l’acquisition de deux propriétés situées à Péguy-Ville, pour un montant total de 75 000 dollars américains, au nom de ses enfants. Par ailleurs, l’ancien ministre aurait omis de déclarer des revenus supplémentaires perçus en tant qu’avocat, estimés à 400 000 gourdes par mois, ce qui représente un manque à gagner pour l’État de près de 2,8 millions de gourdes sur une période de 33 mois.
Cette démarche a été initiée par le directeur général de l’ULCC, Me Hans Jacques Ludwig Joseph, conformément aux articles 11 et 12 du décret de 2004 qui régit l'institution indique que la commission d’enquête, chargée d'examiner la déclaration de patrimoine de M. Fleurant, avait pour mission de vérifier l'exactitude des informations fournies lors de son entrée en fonction, en mars 2016, et lors de sa sortie en décembre 2018. L'objectif était de détecter d'éventuels cas d’enrichissement illicite ou autres infractions liées à la corruption.
« L’enquête a révélé que les déclarations de patrimoine de M. Fleurant étaient tardives et irrégulières. Son formulaire d’entrée en fonction, daté du 18 décembre 2017, soit plus d'un an et demi après sa nomination le 24 mars 2016, n’était pas conforme à la loi du 12 février 2008 qui exige cette déclaration dans les 30 jours suivant l’installation. Sa déclaration de sortie de fonction, quant à elle, a été produite 24 mois après son départ en octobre 2020. »
Parallèlement, l’enquête a également mis en lumière des incohérences et omissions importantes dans les déclarations de M. Fleurant. Il avait, par exemple, déclaré trois comptes bancaires à son nom et aucun au nom de sa conjointe, Ludmia Toussaint.
Pourtant, les investigations ont révélé que le couple détenait en réalité seize comptes bancaires, répartis en gourdes et en dollars américains, non mentionnés dans les déclarations. Concernant ses biens meubles, M. Fleurant avait déclaré posséder plusieurs bijoux et véhicules de valeur, mais ces déclarations ne correspondaient pas aux informations recueillies par l’ULCC. Par exemple, il a omis de déclarer deux véhicules supplémentaires enregistrés en son nom.
Enfin, l’enquête s’est penchée sur les revenus légitimes perçus par M. Fleurant et son épouse durant leur période d’activité publique. M. Fleurant, consultant au cabinet du Recteur de l’Université d’État d’Haïti et professeur de droit, avait omis de déclarer certains revenus perçus par son épouse, notamment ceux provenant de ses fonctions de consultante pour le Fonds d’Assistance Économique et Sociale (FAES).
Face à ces révélations, l’ULCC appelle à l'ouverture d'une action publique contre M. Aviol Fleurant et recommande le redressement fiscal de ses déclarations pour les exercices 2015-2016, 2016-2017 et 2017-2018. Ces recommandations visent à promouvoir la responsabilité et la transparence parmi les acteurs publics, tout en envoyant un message clair sur l'importance d'une gouvernance éthique. Le rapport intégral a été transmis aux autorités judiciaires pour les mesures appropriées. Cette affaire soulève des questions sur l'intégrité des déclarations de patrimoine des responsables publics et souligne la nécessité d'une vigilance renforcée contre l'enrichissement illicite.
Vladimir Predvil