Sous les assauts des malfrats, Solino, cette banlieue où résident de paisibles citoyens, n'a pas pu résister ce jour-là face à la colère sanglante et à la terreur de ces bandits lourdement armés qui, malheureusement, ont fait main basse sur ce dernier. Malgré les efforts conjugués déployés par les riverains ainsi que les policiers, Solino a connu un mardi noir ensanglanté. Petit-Dieu Jeff, dit Jeff Swatt, considéré comme l'un des remparts pour empêcher la bande à Kempès, de la coalition « Viv Ansanm » et de Barbecue, d'éclabousser Solino, a laissé sa peau après avoir reçu plusieurs balles en affrontant les gangs armés pour les mettre en déroute. Un combat qu'il n'a pas gagné, il s’est sacrifié pour sauver son quartier. Malheureusement, Solino n'est plus, et les déplacés sont aux abois.
En effet, Jeff Swatt, qui voulait que la paix règne à Solino, a vu son rêve mort-né. « Se lèm mouri pou bandi pran Solino », son message a été entendu et parcourt tout l'univers jusqu'à sa germination. Un message qui peut être pris à la légère par certains, mais la nature a tranché, et cela a choqué les membres de ce ghetto. Lorsque Jeff Swatt a succombé sur le champ de bataille et que Solino a été incendié, brûlé, passé sous le feu quelques jours après sa déclaration, son dernier message a montré qu’il combattait avec tout son cœur, son corps et son âme.
La mort de Jeff Swatt a été la dernière goutte de leur sang, celle qui a affaibli dès le départ ses frères d'armes et les habitants qui luttaient à ses côtés, accompagnés d'autres jeunes qui ont également traversé dans l'au-delà avec lui. Voilà un homme de cœur, un brave, un combattant. Depuis lors, ce bidonville est plongé dans le deuil. La vie n'est plus. Un nom reste et demeure gravé dans la mémoire des habitants de Solino.
Solino, l'un des plus grands ghettos du pays, livré aux mains des gangs, traduit indubitablement l'effondrement de l'État, qui a failli à sa mission de maintenir la paix et de créer un climat de sécurité au sein de la population haïtienne. Tel n'est pas le cas ; au contraire, l'État se plaint et est dépassé par la cruauté des criminels de grand chemin. Sous l'offensive de la coalition « Viv Ansanm », les habitants fuient leurs maisons. Ils sont aujourd'hui aux abois, sans abri, abandonnés, sous les regards complices des autorités.
Sur les visages de ces déplacés, on peut lire le désespoir, l'avenir incertain, les remords et les regrets. Une prise en charge psychologique soutenue est recommandée aux autorités concernées afin de venir en aide au plus vite à ces parents, enfants, jeunes, vieillards, et femmes enceintes qui, malheureusement, dorment dans les rues, sous les trottoirs, chez une tierce personne, ou à la belle étoile. Ils ont frôlé la mort ou perdu certains de leurs proches. Une situation inhabituelle qui se détériore quotidiennement. Les pertes en vies humaines sont innombrables.
Solino n'est plus aujourd'hui. Il était le dernier rempart de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, tombé sous l'emprise des maîtres de la cité. C'est à partir de ce bidonville, qui compte environ 34 quartiers, qu'on trouve jusqu'à présent l'accès à d'autres zones principales de Port-au-Prince.
Wincy Lindor